Le cauchemar d’un vol tranquille

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Aarsele , le 2 octobre 1971. Le Vol 706 de la compagnie BEA, un avion de type Vickers 951 Vanguard immatriculé G-APEC et assurant la liaison Londres Heathrow (GB) à Salzbourg en Autriche, s’est brusquement écrasé vers 10H15 (GMT) dans une prairie de Aarsele, petite commune près Tielt (Flandre Occidentale). L’avion transportait 55 personnes et 8 membres d’équipage. Tous ont été tués.

Le Vickers 951 Vanguard était un avion équipé de 4 moteurs Rolls Royce Tyne 506. Celui d’Aarsele immatriculé G-APEC, fut mis en service le 17 octobre 1959. Il fut cédé le 14 janvier 1961 à la société BEA. Il fut à nouveau déclaré ‘bon pour le service’ le 11 janvier 1971 jusqu’en 1974. Son dernier check-up remontait au 9 septembre 1971 soit presque un mois avant l’accident. (Photo Steve Rendle, www.aviationheritage.be)

Cette journée de samedi très ensoleillée avait très bien commencé et prolongeait ainsi en quelque sorte un été indien que la Belgique n’avait plus connu depuis des années. Le lundi 4 octobre de cette année 1971, j’allais entamer mes études de Droit à l’ULB, conjointement à des cours du soir à l’Institut pour Journalistes de Belgique. J’effectuais de temps à autre des piges pour l’actualité locale de la région d’Enghien (province du Hainaut). Bien souvent cela se résumait à de banals accidents de la route n’engendrant que de la tôle froissée, des noces d’or ou de diamant, ou encore des comptes-rendus de conseils communaux. Toutefois, ce jour-là n’allait pas être comme les autres et changera toute ma vie. Au moment où j’étais sur le point de partir à la rédaction bruxelloise du quotidien pour lequel j’étais correspondant, j’appris par le biais de la radio qu’un accident d’avion était survenu pas trop loin de chez moi, entre Deinze et Tielt.

Je pris donc la direction de cette région à cheval sur les Flandres orientale et occidentale. Au fur et à mesure je m’approchais du lieu de l’accident, le trafic devenait de plus en plus dense. Une fois passé la Lys à Deinze, je pris la route nationale N35 vers Tielt. Cela me semblait logique étant donné que j’aperçus un premier barrage de police empêchant les voitures de passer. Arrivé à auteur de ce contrôle, je montrai ma carte de correspondant de presse. Ne voyant aucune opposition de la gendarmerie, je continuai ainsi ma route vers Tielt tout en apercevant au loin une colonne de fumée noire grisâtre ainsi que différentes ambulances et véhicules des pompiers. Tout en roulant lentement, j’ai eu un drôle de pressentiment et l’impression que je me dirigeais vers une scène impressionnante que jusque là je n’avais jamais vécu. Lorsque que ma petite Citroën Diane 4 blanche est passée devant le petit café ‘De Steenhoven’, j’aperçus sur ma droite un décor hallucinant avec une prairie jonchée de multiples morceaux de ferrailles, de bagages, de débris en tout genre ainsi qu’un cratère enflammé. On m’ordonna de me garer dans la prairie à côté d’une grande tente blanche, sans savoir ni comprendre pourquoi tout se déroulait aussi facilement.

Quelques autres véhicules se trouvaient à côté du mien, m’imaginant qu’il s’agissait d’autres journalistes. Je suis donc sorti de mon véhicule avec mon appareil photographique, pour me diriger vers l’endroit où cela s’agitait le plus c-à-d vers le lieu des flammes. Autour de moi, je croisais des civières couvertes d’un sac ou couverture blanche, des pompiers, des infirmiers de la Croix Rouge, mais à aucun moment personne ne se posait des questions quant à savoir ce que je faisais à cet endroit.

J’ai commencé à prendre quelques photos de tout et rien car la tension montait. A ce moment-là, je me rendais compte de la gravité de l’accident, et qu’il y aurait de nombreuses victimes. Cependant, je n’avais toujours pas aperçu le moindre corps, uniquement des milliers de débris, jusqu’au moment où je suis arrivé au cratère où le feu était encore très actif. Là se mélangeait un mélange d’odeurs entre de l’huile brûlée, du kérosène et une impression de viande carbonisée. Ce fut l’horreur quand mes impressions se confirmèrent par l’image de morceaux de corps, une main par-ci, un tronc par-là, une moitié de tête sortant de la terre rendue boueuse par les lances d’incendie des pompiers.

Sur le lieu principal de l’impact, le mélange de l’huile et du kérosène s’est très vite enflammé par la chaleur des métaux composant divers éléments de l’avion. (Photo Christian Deglas).

Cela a été le point limite de mon avancée. Horrifié par ce spectacle affreux, j’ai refait marche arrière pour me rendre vers mon véhicule mais la mort me poursuivait sous tous les angles où mes yeux tentaient de trouver une fuite. La tente de la Croix Rouge où je m’étais garé était en fait le lieu de rassemblement de tous les restes des passagers sur trouvant à bord de l’avion, pour un puzzle macabre afin de pouvoir identifier les restes humains.

Le Docteur Jacques Timperman, médecin légiste belge qui procéda à l’indentification des corps avec l’aide de son épouse, infirmière de formation. Plus tard, il assumera encore l’identification des victimes du naufrage du ferry « Herald of Free Enterprise » (1967).
(Photo Christian Deglas).

Je ne parvenais pas à m’imaginer comment autant de vies humaines avaient pu disparaître au même titre que l’avion en une fraction de secondes. Cela a dû se passer très vite et malgré la vitesse des événements, les passagers ont dû malgré tout se rendre compte de ce qui était en train de se passer.

L’armée belge ainsi que le génie civil sont intervenus avec du matériel lourd afin de déblayer les milliers de débris lourds et légers parfois enfoncés très profondément dans le sol. (Collection Walter Ferdinand Martens)

Mayday Mayday, we’re going down vertically !
Le Vickers 951 Vanguard est entré sur le territoire belge en passant par Dunkerque à 10h03. Tout semblait normal. A 10H05, une confirmation de son plan de vol est annoncée sans aucune remarque particulière. Quatre minutes plus tard, 2 voix simultanées, probablement celle du commandant et celle du radio, signalent en panique que l’avion est en perte d’altitude ‘We’re going down er seven OH six – We’re going down’ (‘Nous chutons’) suivi tout de suite par ‘Mayday Mayday Mayday we ‘re going down vertically’ (‘Mayday ….nous tombons verticalement … ‘). Les toutes dernières paroles à peine déchiffrables seront ‘Sealine seven zero six…….  ‘. Ce sera ensuite un brouillage de ligne et puis le silence total. Le drame d’Aarsele était consommé emportant en une fraction de secondes, la vie des 63 personnes à bord.

Parmi les passagers se trouvait l’Ambassadeur du Japon Toskiko Ohiro et son épouse, en fonction à Londres. C’est probablement lui qui aura écrit ces notes sur un carton de fortune, sachant qu’il allait mourir. On peut y lire « Mr Ohira …Toshi-chan … Keisuhe-kun … Mina-chan » probablement pour signaler sa présence à bord. (Collection Walter Ferdinand Martens)

L’enquête tout comme l’identification des victimes fut très difficile. Néanmoins selon des témoins oculaires, l’appareil avait déjà perdu une partie de l’empennage arrière provoquant une dépressurisation importante de l’avion, le rendant incontrôlable. Certaines personnes avaient même aperçu une fumée blanche à l’arrière de l’appareil.

Le crash de cet avion faillit même faire 2 victimes supplémentaires au sol. En effet, le vol 706 s’écrasa à une centaine de mètres à peine de la petite ferme de la famille Dewitte. Madame Dewitte nous confia il y a quelques années encore (2003) son pénible souvenir: « Je me trouvais au jardin, tandis que mon mari était dans la grange. Brusquement j’entendis un moteur d’avion accompagné d’un sifflement. Je me suis retournée et j’ai vu une énorme masse filer droit sur moi. L’avion est peut-être passé à 20m au-dessus de ma tête et s’est écrasé devant moi. Le sol bougeait sous mes pieds. Je ne réalisais pas ce qui se passait. J’ai eu l’impression de voir des têtes de passagers collés aux fenêtres. Notre prairie ressemblait à un champ véritable de bataille après avoir subi des bombardements. Mon mari et moi avons couru vers le trou creusé par l’impact, mais devant autant de ravages, on a bien vite compris qu’il n’y avait plus rien à faire ».

Madame Maria Dewitte, sur le lieu de l’impact où plusieurs années après l’accident, son mari retrouva encore l’un des marteaux de secours de l’avion, destiné à briser les hublots en cas d’urgence. Dans ce cas, tout était inutile.
(Photo Christian Deglas)

En octobre 2011, la commune de Tielt organisa une commémoration au cimetière d’Aarsele où sont enterrés dans une concession de 50 ans, 38 des 63 victimes (monument www.aviationheritage.eu/nl/content/graf-slachtoffers-vliegramp-aarsele-vickers-vanguard-g-apec )

Mystère ou hasard, ce phare de la marque française «Willocq-Bottin » de type « ETNA » a été retrouvé parmi les débris. Était-ce une pièce de l’avion ou tout simplement un objet provenant d’une des valises d’un passager ?
(Photo Christian Deglas)

Christian Deglas

Gastauteur

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