EATC : une sérieuse avancée pour l’Europe

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Eindhoven, le 28 novembre 2013. Les représentants au plus haut niveau de l’arme aérienne d’Allemagne, de France, des Pays-Bas, de Belgique et du Grand Duché du Luxembourg s’étaient donnés rendez-vous pour le 7th MATraC (Multinational Air Transport Committee) sur la base néerlandaise afin de signer le document consacrant la « Full Operational Capability (FOC) » de l’European Air Transport Command. L’Espagne y assistait au titre d’observateur et de candidat membre. Par la même occasion, le Général-major Aviateur Claude Van de Voorde, Commandant la Composante Air Belge, se voyait confier la présidence de l’EATC pour les trois ans à venir.

Emblème de l’European Air Transport Command (EATC).
Le Général-major Aviateur Claude Van de Voorde, Commandant de la Composante Air Belge, vient de signer la déclaration de l’EATC full operational capability; par la même occasion, il en assurera la présidence pour les trois années à venir.

Une volonté de mutualisation
C’est le 1er septembre 2009 que l’EATC (European Air Transport Command) était formellement établi entre les nations qui en constituent toujours l’ossature actuelle. Au départ de cet ambitieux programme de mutualisation et de partage (pooling & sharing), au niveau de l’Europe, des moyens de transport aérien militaire des pays du Bénélux (que l’on peut qualifier de noyau dur de l’Union européenne) ainsi que de la France et de l’Allemagne. Très rapidement, une structure fut créée et établie sur la base d’Eindhoven aux Pays-Bas, l’EATC étant ainsi situé à la frontière belgo-néerlandaise, près de l’Allemagne et pas trop loin de la France. L’EATC, dès sa mise en œuvre, comprenait une division Com & Cos assurant le commandement de l’entité sous l’égide d’un général français ou allemand, selon une alternance bisannuelle, de même que d’une entité Head of Ops & Func, c’est-à-dire une Direction des opérations et fonctions, laquelle est dirigée par un officier supérieur belge ou néerlandais en alternance par périodes de trois ans. Ce concept de mutualisation innovant était plus que bienvenu comme en attestent les résultats observés dès le début car, sur quatre mois d’existence en 2009, un total de 438 heures de vol était presté, lequel culminerait trois ans plus tard (soit fin 2012) à 3.096 heures de vol échangées entre les nations participantes.

Les signataires de la déclaration de pleine capacité opérationnelle (FOC) de l’EATC; de gauche à droite : le Général-major Aviateur Claude Van de Voorde Commandant de la Composante Air Belge et nouveau président de la MATraC; le Général Denis Mercier, Chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air Française; l’Air Commodore Dennis Luyt Directeur des Opérations de la Force Aérienne Néerlandaise; le Général de brigade Helmut Schütz Commandant des Forces Opérationnelles de la Force Aérienne Allemande et le Lieutenant-colonel Paul Nilles, Commandant de la Composante Air Luxembourgeoise.
Devant le bâtiment de l’EATC à Eindhoven, de gauche à droite : le Lieutenant-colonel Paul Nilles, Chef de la Composante Air Luxembourgeoise, l’Air Commodore Dennis Luyt, Directeur des opérations de la Koninklijke Luchtmacht Néerlandaise, le Général de Division Aérienne Pascal Valentin de l’Armée de l’Air et Commandant de l’EATC, le Général de brigade Helmut Schütz de la Luftwaffe, le Général Arnaiz de l’Ejercito del Aire Espagnole, le Colonel Aviateur Patrick Mollet, Chef de corps du 15ème Wing de la Composante Air Belge depuis le 25 octobre 2013 et le Général Denis Mercier, CEMAA (Chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air).

Montée en puissance
Au cours de ses quatre années d’existence opérationnelle, l’EATC a vu sa flotte d’avions de transport, mais aussi d’appareils de ravitaillement en vol, s’étoffer considérablement au point qu’en novembre 2013 elle globalisait 160 appareils (dont 40 dévolus à des missions spécifiques à leur armée aérienne) se répartissant en 11 appareils belges (1 A330 et 10 C-130H Hercules), 8 appareils néerlandais (2 KDC-10 de ravitaillement en vol, 1 DC-10, 4 C-130H Hercules et 1 Gulfstream G-4 de transport de VIP), 48 avions français (2 A340, 3 A310, 7 C-130H Hercules, 21 C-160 Transall et 15 CN-235) et 53 avions appartenant à la Luftwaffe allemande (5 A310 MRT/MRTT (multirole transport & tanker), 31 C-160 Transall et 17 C-160 ravitailleurs). En parallèle, 40 appareils de transport des nations participantes étaient dévolus à des missions internationales spécifiques (MONUSCO au Congo, ISAF en Afghanistan, Serval au Mali, etc…) de même qu’un ensemble de 37 avions, essentiellement affectés au transport de VIP et qui sont appelés au coup par coup par l’EATC, parmi ces derniers, les 3 Falcon (2 Mystère 20 et un Falcon 900) plus les 4 Embraer ERJ 135/145 de la Composante Air Belge, et qui devraient intégrer la flotte gérée par l’EATC début 2014.

Dans les locaux du centre opérationnel de l’EATC, le tableau récapitulatif de l’état d’alerte ou d’activité de l’EATC en ce jeudi 28 novembre 2013.

Le staff de l’EATC à Eindhoven compte 170 individus, dont 12,9% de Belges (soit 22 militaires). Le budget 2013 de l’EATC se monte à 3.215.437 euros et celui-ci a prouvé son utilité en 2012 en assurant 7.682 missions et 182 ravitaillements air-air qui ont généré 46.578 heures de vol et permis le transport de 345.000 passagers et 12.100 tonnes de fret auxquels s’ajoute l’évacuation médicale de 1.155 individus.

Les deux seuls avions de l’EATC sur le tarmac de la base d’Eindhoven le 28 novembre : les KDC-10 de la KLu néerlandaise immatriculés T-255, lequel cache le T-264 en partance pour les Philippines dans le cadre d’une mission de secours aux sinistrés du récent typhon qui a ravagé l’archipel.

La Belgique très présente
La Belgique s’est avérée très présente et très active dans l’EATC dès les débuts de cette organisation européenne. Comme déjà dit, un officier supérieur belge assume, par rotation et pour une période de trois ans, le commandement de la division opérations et fonctions, il s’agit actuellement du Colonel Aviateur Mike De Coninck. Au total, 22 militaires belges sont affectés à l’EATC. La quote-part de la Belgique dans le budget de l’entité équivaut à 12,8%. La Belgique met depuis le commencement 12 C-130H Hercules et son Airbus A330 dans le tronc commun, ses avions « blancs » (transport de personnes et VIP) devraient les rejoindre, dès lors l’entièreté des moyens aériens du 15ème Wing serait mutualisée à l’EATC début 2014. Du reste et pour l’année 2012, la Belgique s’est aillée une part non négligeable dans l’activité aérienne de l’EATC, à savoir 5.843 heures de vol, soit une quote-part de 12,76% du total.

Le Northrop NF-5 Freedom Fighter immatriculé K-3068 à la Koniklijke Luchtmacht érigé en monument à Eindhoven. Il porte l’emblème du 316 squadron et l’un des officiers néerlandais attachés à l’EATC en fut le pilote.

Le Grand Duché du Luxembourg
Le Luxembourg a détaché un officier supérieur à l’EATC, bien que ne possédant aucun avion de transport militaire, ce qui ne sera plus le cas très longtemps, dans la mesure où un Airbus A400M Atlas a été commandé par le Grand Duché. Sa mise en œuvre est prévue en 2019 au sein du 15ème Wing belge basé à Melsbroek. Du reste, deux officiers aviateurs grand-ducaux ont déjà été brevetés en 2012 et 2013 après avoir suivi le cursus franco-belge en application depuis de nombreuses années.

Autre bonus de la visite à Eindhoven, le Republic F-84F Thunderstreak placé face à l’immeuble de l’EATC et portant l’emblème au centaure propre au squadron 314 néerlandais.

Perspectives encourageantes pour le futur
Le futur rapproché de l’EATC s’annonce brillant, étant donné que l’Espagne a manifesté son intention de rejoindre le pool européen, ce qui devrait être effectif au milieu de l’année 2014 et le Général Arnaiz a participé au 7th MATraC ce 28 novembre à Eindhoven.

Des pourparlers sont en cours avec l’Italie qui pourrait, elle aussi, s’intégrer à l’EATC, mais pas avant le milieu de 2015, car l’intégration de moyens aériens et humains au sein du grand commandement européen requiert un certain temps.

Autre témoin du temps jadis, le Republic F-84G Thunderjet orné de l’écusson du 315 squadron de la Klu formé à Eindhoven en juin 1952. Un peu plus loin se trouvait le socle supportant le Spitfire IX enlevé pour cause de rénovation. L’ensemble, y compris un F-16A, fait donc de la base d’Eindhoven une sorte de petit musée exposant tous les appareils de combat opérationnels aux Pays-Bas depuis l’après-guerre.
Sur le tarmac d’Eindhoven, le Cessna C.560 Citation, l’un des trois opérés par l’escuadron 403 espagnol, amenant de Getafe, au sud de Madrid, le Général Arnaiz qui participait au 7th MATraC.

Enfin, l’un des défis les plus stimulants pour l’EATC réside dans la standardisation des avions de transport militaire futurs grâce à l’acquisition d’Airbus A400M Atlas par la France, l’Allemagne, la Belgique, le Grand Duché du Luxembourg et l’Espagne. Dans cette optique, l’EATC a entamé dès 2011 le développement de la doctrine d’utilisation opérationnelle ainsi que des syllabus et du concept de formation communs à l’ensemble des utilisateurs, une mutualisation d’autant plus cruciale qu’à l’horizon 2020 quelques 100 à 110 Airbus devraient faire partie du parc aérien de l’EATC.

L’Europe se fait beaucoup par les militaires et leur volonté de mutualiser leurs moyens atteste de leur mentalité super européenne et l’EATC en est une éclatante démonstration.

Le TBM 700 de l’Armée de l’Air venu de Villacoublay près de Paris afin d’amener le Chef d’Etat-major, le Général Denis Mercier au 7th MATraC à Eindhoven.
Bonus inattendu sur le tarmac d’Eindhoven en cette fin novembre 2013, un Turbo Let 410 UVP lithuanien, l’un des deux affectés à la 12ème escadrille stationnée à Zokniai. A noter : l’hélice à la pointe du nez n’est pas celle d’un quelconque APU (Auxiliary Power Unit) mais bien celle du TBM 700 français parqué pile dans l’alignement.

Texte et photos: Jean-Pierre Decock

Vifs remerciements au Hauptmann Norbert Thomas, officier de presse de l’EATC, pour son input très efficace lors de notre visite à Eindhoven.
Vifs remerciements aussi au membre de la Koninklijke Luchtmacht qui nous a fait une visite commentée avec pertinence du tarmac et de la base d’Eindhoven.

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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