Lambert Mission, des avions belges de top technologie

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Wevelgem Airport-EBKT, Hangar 59, le 3 février 2010. Filip Lambert, l’homme à la base de l’ensemble du projet Mission 212, nous fait l’honneur des toutes nouvelles installations de Lambert Aircraft Engineering bvba implantées dans la zone nord de l’aérodrome de Wevelgem près de Courtrai et non loin de la frontière française.

De l’idée au projet à l’objet
Alors qu’il était élève-pilote en aéro-club, Filip Lambert considérait bizarre d’effectuer son apprentissage du vol sur des machines vieilles de 20 ans ou plus, c’est-à-dire du même âge, sinon plus âgées que lui. Lorsqu’il faisait le parallèle avec le domaine automobile, la chose lui paraissait encore plus incongrue, car qui songerait de nos jours apprendre à conduire dans une voiture conçue et construite il y a plus de vingt ans?

Le Lambert Mission M212-200 est un avion quadriplace à section de fuselage très aérodynamique et fini des surfaces engendrant moins de traînée et donc de meilleures performances; les matériaux composites permettent cela, outre leur légèreté combinée à une grande résistance structurelle.

Il poursuivit néanmoins son entraînement au pilotage car son ambition première était de devenir pilote de ligne, mais au fur et à mesure qu’il progressait dans le domaine du vol et des études, il se sentit de plus en plus intéressé par la technique. C’est ainsi qu’il décida, à l’issue de ses études en Belgique en 1992, de s’inscrire au Cranfield College of Aeronautics (devenu ensuite Cranfield University) pour un cycle de deux ans consacré à l’ingénierie aéronautique. La deuxième année de cours étant dévolue entièrement à la conception, Filip Lambert conçut et poussa assez loin le développement d’un nouvel avion. C’était donc en 1993 et, par un heureux hasard, la prestigieuse Royal Aeronautical Society britannique lança à ce moment un concours de projets d’avions légers. Comme il avait construit à Cranfield une maquette à échelle 1/1 de son projet, essentiellement pour l’aménagement de l’habitacle, Filip Lambert inscrivit son projet qualifié de Mission au concours… et le remporta !

Une fois son diplôme universitaire ne poche, Filip Lambert acquit l’expérience du travail dans l’industrie tout en poursuivant le développement de son projet durant ses loisirs, c’est-à-dire surtout les soirs et les week-ends, car la Royal Aeronautical Society et ses partenaires offraient le financement du prototype du projet lauréat.

Les frères Lambert: à gauche Steven, spécialiste de la mécanique, et à droite Filip, breveté du Cranfield College of Aeronautics en 1994 et instigateur du projet Mission M212.

Lambert Mission M212: une nouvelle génération d’avions légers
C’est en 1996 que Filip Lambert, rejoint par son frère cadet Steven qui venait d’obtenir son graduat en mécanique automobile, fonda sa société. Tous deux s’attelèrent à la construction du prototype Mission 212-100 avec la volonté arrêtée d’innover dans trois domaines.

D’abord, en matière de cellule, ils optèrent résolument pour les matériaux composites, technologie qui avait vu ses applications révolutionner le Formule 1 automobile au début des années 80 pour évoluer rapidement au point de quasiment se substituer à l’aluminium dans les engins à la pointe de la technologie avant la fin de la décade.

Le Lambert Mission M212-200 immatriculé G-XFLY car ayant effectué son programme d’essais en vol en Angleterre en 2004 et 2005 est vu ici survolant la partie est de l’aérodrome de Coxyde. (Photo Jan Vanhulle)

Ensuite, les deux frères avaient investigué à fond l’éventail des moteurs disponibles pour l’aviation et avaient rapidement conclu que le secteur des moteurs d’aviation de faible puissance n’avait pratiquement fait l’objet d’aucune percée technologique notable depuis les années 50 ou 60…

Enfin, les développements fulgurants de l’informatique, en termes d’avionique, dans les années 90 les ont convaincus d’équiper leurs productions de préférence d’un « glass cockpit », c’est-à-dire d’instruments numériques plutôt qu’analogiques.
Filip Lambert entama dès 1996 la réalisation des moules nécessaires à la confection des diverses portions de la cellule intégralement constituée de fibres de verre renforcées de fibres de carbone à l’instar des matériaux composites de deuxième ou troisième génération. Un prototype « 0 » fut exécuté aux fins d’essais statiques qu’il subit fin 1998 avec succès, la cellule résistant remarquablement à une force de 8,55 G avant rupture  à son poids maximum autorisé de 900 kg. Entre-temps, des essais avaient également été menés en soufflerie avec une maquette à l’échelle 1/14.

Ce gros plan sur l’avant du Mission M212-200 montre bien l’aérodynamisme de la section de fuselage et la netteté des prises d’air pour le refroidissement du moteur ainsi que l’hélice tripale à pas variable qui permet de réduire le niveau de bruit et les vibrations.

C’est un industriel de Geluveld enthousiasmé par le projet qui prêta un atelier dès 1996 et c’est toujours dans ces mêmes locaux que les frères Lambert entamèrent la construction du prototype destiné aux essais en vol. Celui-ci, ayant subi quelque retard dû à l’attente du nouveau moteur diesel allemand Zoche toujours en développement, fut terminé en juin 2003 et fut amené à Wevelgem pour les essais de roulement. Filip Lambert avait, à ce stade, consacré quelques 30.000 heures de travail pour arriver à concrétiser son projet. Malgré les volontés arrêtées des deux frères, le prototype Mission M212-200 ne disposait pas du moteur diesel de nouvelle génération mais dut s’accommoder d’un Lycoming O-320 E2D de 150 CV d’une technologie bien éprouvée et d’un tableau de bord conventionnel. Immatriculé G-XFLY en Angleterre, le Mission M212-200 fut amené à Coxyde, base plus propice aux essais en vol préalables à l’obtention du permis de convoyage vers le Royaume-Uni où le Lambert Mission M212-200 devait subir l’intégralité de son programme d’essais en vol dans le courant de 2004 en vue d’obtenir sa certification aux normes britanniques FAR 23  (JAR 23 pour l’Union Européenne). Il l’obtint en 35 heures de vol, c’est dire si l’appareil avait un comportement en vol très sain!

C’est le pilote d’essais Roger « Dodge » Bailey qui fit traverser la Manche au prototype qui avait été supervisé, durant son développement et sa construction, par les ingénieurs et techniciens de la PFA (Popular Flying Association) Finbar Colson et Francis Donaldson. C’est également en 2004, alors que le G-XFLY était exposé au PFA Rally annuel à Kemble, qu’il fut gratifié de la Tiger Club Cup attribuée au projet d’avion démontrant la plus grande originalité. Peu avant la fin de son programme d’essais, le Mission M212-200 fut testé début mai 2005 par le réputé pilote essayeur Bob Grimstead qui en fit un article magistral dans le magazine Pilot, le plus de tous les magazines d’aviation, lequel ne tarissait pas d’éloges concernant la manoeuvrabilité de l’appareil mais surtout la visibilité et le volume de l’habitacle, confortable pour le gabarit des hommes du début du 21ème siècle, Filip Lambert lui précisant alors que depuis les années 50 la taille de l’individu moyen s’accroissait d’environ 1,5 cm tous les dix ans…

Un Lambert Mission M106 à roulette de queue en instance de livraison en Auvergne, si l’on en croit son immatriculation (63 = le département du Puy-de-Dôme).

En outre, les performances du Mission M212 au décollage et à l’atterrissage l’impressionnaient positivement ainsi que le comportement de l’appareil à basse vitesse et lors des décrochages. Depuis lors, le G-XFLY est revenu dans les nouvelles installations construites à Wevelgem en 2004. Un deuxième exemplaire, cette fois gréé d’un moteur de 180 CV, devrait être terminé sous peu tandis qu’un troisième devrait voler avant fin 2010 muni du tout nouveau moteur diesel américain de 4 cylindre en V Delta Hawk impatiemment attendu depuis… 2008 ! Il n’est pas encore décidé si les essais avec le nouveau moteur seront menés en Grande-Bretagne ou en Belgique.

Initialement, Lambert Aircraft Engineering prévoyait de livrer les Mission en kit aux constructeurs amateurs, mais la possibilité leur étant offerte de construire eux-mêmes leur appareil chez le constructeur en profitant de ses infrastructures et de la supervision et de l’aide du personnel qualifié de l’entreprise.
Outre ces trois premiers exemplaires du nouveau quadriplace Mission M212, deux kits ont été acquis, le premier sera livré fin février ou courant mars 2010 et devrait être doté d’un moteur classique, tandis que l’acquéreur du second kit souhaite attendre que le nouveau propulseur Delta Hawk devienne disponible.

Gros plan sur les panneaux vitrés à l’arrière du M106 qui s’ouvrent lorsque le parachute balistique de secours est activé.

Lambert Mission  M106: un coup d’essai qui se révèle être un coup de maître
Luc Devlieger, un constructeur amateur et ami de Filip Lambert, avait déjà construit deux monoplaces dont un Volksplane et eut l’envie de réaliser un biplace de sa conception. Il demanda à Filip Lambert d’en établir les calculs afin d’en obtenir la certification. Ce qui se fit sans problèmes majeurs et Luc Devlieger construisit son appareil et le fit voler avec un moteur Volkswagen sous immatriculation française à l’aérodrome de Bondues près de Lille. Filip Lambert le rencontra à nouveau fin 2004 et, après discussion, accepta de revoir assez drastiquement la machine sur le plan technique. Il en améliora globalement la structure, y monta une roue de nez à le place de la roulette de queue, installa un « glass cockpit », repensa la soute à bagages et l’habitacle et surtout y adapta le tout nouveau moteur UL260i développé par le motoriste ULPower établi en mars 2006 à Geluveld, entre Ypres et Wevelgem. Ce nouveau moteur à injection de faible puissance de 4 cylindres à plat opposés et refroidi par air offre un des meilleurs rapports poids/puissance en comparaison aux moteurs actuellement disponibles de par le vaste monde pour les ULM et avions légers. Nous nous sommes livrés à une comparaison entre moteurs en termes de kg de masse par cheval vapeur développé et le résultat est de loin le plus favorable à l’UL260i avec 0,633 kg par CV contre 0,738 kg/CV pour le Rotax 80 CV et 0,820 kg/CV pour le Limbach de 100 CV, deux moteurs européens parmi les plus utilisés pour les ULM. Le bon vieux Continental de 100 CV, extrêmement répandu depuis des décades dans l’aviation légère, offre un rapport de 0,998 kg/CV, soit en quelque sorte 50% de pénalité de poids/puissance en comparaison au nouveau moteur belge UL260i.

Tableau de bord « glass cockpit » du Lambert Mission M106 à double commande.

L’important chantier de modifications de l’avion de Luc Devlieger permit d’aboutir fin 2005 à l’ULM (poids en ordre de vol de 450 kg) Mission M106. Ce nouvel appareil peut être muni d’une hélice bipale à pas fixe ou tripale à pas réglable au sol et dispose d’une soute à bagages tellement spacieuse que l’installation d’un parachute balistique de secours ne pose aucun problème, les surfaces vitrées au-dessus et à l’arrière de la soute étant modifiées en conséquence.

Le Mission M106 n’est fabriqué qu’en atelier et n’est pas disponible sous forme de kit. Au total, 14 exemplaires (dont un vole au sein du Kortrijk Flying Club depuis mai 2007) ont été assemblés et livrés à fin 2009; les constructions en cours, les commandes à exécuter et celles logiquement anticipées permettent d’estimer qu’à fin 2010 quelques 22 à 24 Lambert Mission M106 auront été fabriqués.

Lambert Mission M106 à train tricycle et moteur UL260i.

Lambert Aircraft Engineering: aujourd’hui et demain
Le développement des affaires de la jeune entreprise s’avère prometteur, d’autant plus que les frères Lambert se sont diversifiés en ouvrant une boutique de fournitures pour pilotes ainsi qu’un atelier d’avionique (Avionics & Pilot Shop). Ce dernier est agréé par les autorités aéronautiques belges, l’EAS et bientôt la FAA américaine. De plus, et outre les développements de la gamme de monomoteurs quadriplaces Mission M212, la mise au point du type M108, une version revue et plus puissante du M106, sera lancée fin février 2010. Celui-ci sera certifié comme biplace au poids total de 600 kg (et ne sera donc plus un ULM).

Filip Lambert montre à quel point la soute du Mission M106 est spacieuse en y plaçant un vélo pliable de son invention; la soute peut en accueillir deux ainsi que d’autres bagages, ce qui constitue un volume utile exceptionnel en comparaison aux autres ULM et avions légers disponibles sur le marché.

Propriétaire de son hangar-atelier d’une surface de 3.000 m², Lambert Aircraft Engineering fonctionne sous la direction des deux frères Filip et Steven Lambert et emploie actuellement cinq spécialistes. Malgré que leurs activités se focalisent essentiellement sur les nouvelles technologies dans le secteur de pointe qu’est l’aérospatial, nous avons été surpris et navrés d’apprendre que l’IWT (l’institut de développement scientifique et technologique de la région flamande) ne leur accordait pas un centime de subside, au prétexte que leurs productions pourraient avoir des applications militaires… il nous a rarement été donné d’entre des arguments aussi fallacieux !

Le nouveau moteur de 4 cylindres UL260i 100% belge et développant 95 CV produit par ULPower, société constituée en 2006 et basée à Geluveld près d’Ypres. (ULPower)

Le succès se gagne en trois étapes: il faut d’abord oser, ensuite réussir et enfin durer. Avec les avions et ULM Mission, Filip et Steven Lambert ont indiscutablement accompli les deux premières et entament la troisième avec les bons atouts en mains, nous leur souhaitons donc un futur très long et prospère.

Jean-Pierre Decock
Photos: Paul Van Caesbroeck

Pour plus de renseignements: www.lambert-aircraft.com

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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