Abelag Aviation célèbre ses 50 ans (3/3)

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Bruxelles, 8 mai 2014. Une des raisons du succès et de la longévité d’Abelag a été la diversification de ses activités. Cela lui a permis de mieux absorber le choc de plusieurs crises dans le secteur en répartissant les risques et les recettes entre plusieurs domaines complémentaires du vaste secteur de l’aviation d’affaires. Outre l’exploitation d’avions, l’assistance aéroportuaire, l’entretien/révision, la vente d’avions et de pièces de rechange, et l’écolage Abelag a connu quelques diversifications d’activités peu connues et intéressantes. Notamment la surveillance de pipe-line et gazoducs, d’abord effectuée en hélicoptère, et qui se fait en avion depuis 1984 avec le bimoteur Partenavia P68O Observer OO-TJK.

Le contrat de surveillance de pipe-line pour Solvay s’effectue par avion depuis 1984, et un bimoteur léger Partenavia P-68O Observer, le OO-TJK, est affecté à ces missions qui perdurent encore en 2014.

Fourniture de carburant
Aux Etats-Unis, la plupart des Fixed-Base Operators fournissent leurs services d’assistance gratuitement et prennent leur bénéfice sur la vente de carburants. En Europe, c’est différent. Les pétroliers organisent leur propre distribution, et donc les aérogares d’aviation d’affaires doivent facturer leurs services pour couvrir leurs frais. Abelag a néanmoins réussi à plusieurs reprises dans sa longue histoire à s’associer à un pétrolier, en l’occurrence Esso, pour faire partie de son réseau Avitat. Double avantage: une rentrée sur chaque litre vendu, et surtout la disponibilité (via un investissement conséquent en camion et formation de personnel) immédiate sur son parking. Avec un impact positif au niveau du service à la clientèle en ne dépendant plus d’un fournisseur plus intéressé à remplir les réservoirs des avions de ligne dans une autre zone de l’aéroport, ce qui entraînait des délais d’attente non acceptables. Suite à l’évolution des flottes des compagnies aériennes vers des jets et/ou des turbopropulseurs, les pétroliers décident dans les années quatre-vingt de ne plus fournir d’essence aux avions à piston. Abelag investit alors dans une installation de 100LL, qui restera en service pendant de longues années avant de disparaitre à son tour. Actuellement, Abelag dispose de son propre camion citerne et peut donc fournir sans délai les avions de ses clients.

L’Agusta A109A lors de sa présentation en Belgique en 1975, devant le hangar Abelag qui arbore le sigle Esso Avitat.

Les marchés publics
Lorsque l’Ecole d’Aviation Civile, dépendant de l’Administration de l’Aéronautique, lance à la fin des années septante un appel d’offres pour le remplacement de ses Cessna 310, Abelag propose le biturbopropulseur Cessna 441 Conquest. Bien que correspondant le mieux aux exigeances du cahier des charges et étant dans l’enveloppe budgétaire, ce sera une candidature de dernière minute, l’Embraer Xingu qui sera choisi, malgré plusieurs non-conformités flagrantes avec le cahier des charges…

Un autre épisode moins connu fut la brève représentation d’Agusta par Abelag en 1975, visant d’abord le créneau civil des vols médicaux et réalisant notamment des essais d’atterrissage au sommet de grands building bruxellois (pour tester les possibilités d’évacuation de personnel en cas d’incendie notamment). Puis il y eut le début du dossier de l’aéromobilité et les perspectives de commandes militaires. Le respect des règles et la morale de l’entreprise empêche de considérer certains arrangements apparemment nécessaires à l’époque pour espérer obtenir des commandes publiques, et Agusta changera rapidement de représentant. Abelag obtient ensuite la représentation de Breda-Nardi et propose le petit hélicoptère Hughes 500 dans sa version armée 500MD. C’est l’A109 qui sera finalement choisi en 1988 et on connait la suite de l’histoire… Abelag n’obtiendra jamais de marchés publics belges, en raison de son respect d’une certaine éthique.

Abelag Aviation participe activement au lancement de Abelag Airways en mai 1979 et opère le Boeing 707-351C OO-ABA.

Abelag Airways
Un épisode peu connu est la création en 1979 d’Abelag Airways. Issu de l’alliance de trois actionnaires, le voyagiste Sunair, la société de handling Belgavia (futur Aviapartner) et Abelag Aviation, cette compagnie vise le marché charter long-courrier. C’est alors un domaine réservé aux compagnies étrangères en raison de l’attitude de l’Administration de l’Aéronautique, qui veut protéger la Sabena, bien que celle-ci officiellement n’a à l’époque un monopole légal que sur les services réguliers. Abelag Airways fait l’acquisition d’un Boeing 707-351C, le OO-ABA, qui est livré le 16 mai 1979. Les droits de trafic sont refusés. L’accident d’un DC-10 turc peu après son décollage de Paris entraîne la mise au sol de tous les avions de ce type pendant plusieurs mois. C’est ce qui sauve Abelag Airways, qui peut sous-louer son avion aux compagnies utilisatrices de DC-10 qui ont un urgent besoin d’avions de remplacement temporaire. L’appareil sera revendu fin 1979 à une compagnie canadienne. Il est remplacé en mars 1980 par un Boeing 737-2P6, le OO-ABB. Mais les actionnaires ont des intérêts divergeants et Sunair rachète les parts d’Abelag Aviation et rebaptise la compagnie qui devient Air Belgium en mai 1980.

Deuxième avion de Abelag Airways, ce Boeing 737-2P6 OO-ABB ne restera que peu de temps dans cette livrée. Abelag revend ses parts et la compagnie se transforme pour devenir Air Belgium.

EBAA
L’aviation d’affaires a difficile à trouver sa place dans le paysage aéronautique européen qui privilégie l’aviation de ligne, principalement représentée à l’époque par des compagnies aériennes nationales bénéficiant de privilèges et de monopoles. André Ganshof van der Meersch s’allie avec d’autres dirigeants du secteur pour créer en 1977 la European Business Aviation Association (EBAA), qui a pour objet la défense des intérêts du secteur. Membre fondateur de l’EBAA, Abelag lui fournit gracieusement des bureaux lorsque l’association déménage de Eindhoven (elle était hébergée par le département aviation de Philips) à Bruxelles pour être plus proche des institutions régulatrices européennes (la Commission Européenne, Eurocontrol, etc). Aujord’hui, l’EBAA a grandi et compte plus de 500 membres. Abelag y a depuis toujours nommé un représentant au niveau de son Board of Director.

Photographié à bord du Falcon 50 en 1990, André Ganshof van der Meersch, pionnier de l’aviation d’affaires en Belgique avec la création d’Abelag, mais aussi le lancement tant de l’EBAA que de Jet Europe.

Jet Europe
1982 voit la création d’une alliance sous le nom de Jet Europe entre neuf exploitants européens. Tous sont opérateurs d’un modèle d’avion identique, le Learjet 35A, et ont pour philosophie un très haut niveau de sécurité et de service à la clientèle. N’acceptant qu’un membre par pays, et s’obligeant à des critères de qualité communs, Jet Europe invente bien avant les airlines le concept des alliances, qui apporte non seulement une collaboration commerciale, mais aussi des économies au niveau des achats auprès de divers fournisseurs grâce à l’effet de nombre. Par une communication structurée, les membres connaissent le planning de chacun, ce qui permet de rentabiliser les vols de positionnement et de profiter de l’avion le plus proche de l’endroit demandé par le client. Grâce à Jet Europe, Abelag expose pour la première fois à la Convention de la National Business Aviation Association (NBAA) en partageant un stand avec ses collègues de l’alliance, avant de se lancer très vite avec son propre stand. Cette présence annuelle sur le plus grand marché de l’aviation d’affaires permet à Abelag d’accroitre sa visibilité auprès des clients américains, principalement en handling.

Le début des années quatre-vingt voit le démarrage en Europe des activités de colis express par Fedex, DHL et les autres. Ces derniers font d’abord appel à des avions en location, et démarrent avec de petites capacités telles que celles proposées par les avions d’affaires. Comme il leur est difficile de prédire le taux de croissance de ce produit, nouveau pour l’Europe, ils favorisent des contrats de courte durée. Abelag réussit à décrocher un contrat avec DHL prévoyant la location d’un Learjet 35A pour opérer journellement la liaison entre Madrid et Bruxelles. L’horaire demandé favorise un avion basé en Espagne, et, grâce à Jet Europe, c’est un Learjet 35A de la compagnie espagnole  Gestair qui est affrêté par Abelag pendant plus d’une année. En jouant ainsi le rôle d’affréteur, plutôt que d’opérateur, Abelag évite une longue immobilisation d’avion hors base, des frais d’hébergement d’équipage, et reçoit une contrepartie financière pour son intervention. L’expérience Jet Europe durera une petite dizaine d’années et est à l’origine de liens privilégiés avec certains autres opérateurs européens, notamment Euralair à Paris, Aeroleasing à Genève, Aero-Dienst à Nurnberg.

Affrêté en 1986 par Abelag pour un contrat DHL entre Madrid et Bruxelles, ce Learjet 35A EC-DEB de Gestair illustre la coopération entre membres de l’alliance Jet Europe.

Evolution du capital
Créé initialement à l’initiative personnelle d’André Ganshof van der Meersch, qui apporte la grosse majorité du capital de départ, Abelag Aviation a depuis toujours pour des raisons familiales une participation symbolique de la famille Solvay. Roland Fraissinet, pionnier français de l’aviation d’affaires avec le groupe Transairco, prend une participation minoritaire lors de la vente par sa société du premier Learjet 24D à Abelag, étant à l’époque le distributeur pour la France et la Belgique. Parmi les administrateurs du début, on trouve Pierre Solvay, mais aussi le Général Yvan du Monceau de Bergendal, et l’Air Commodore Sir Dennis Mitchell, ancien commandant du Queen’s Flight de la Royal Air Force.

Plusieurs augmentations de capital sont rendues nécessaires pour permettre les investissements nécessaires à la croissance de l’entreprise et pour couvrir les pertes d’exploitation des premières années. Elles sont toutes effectuées par André Ganshof van der Meersch, visionnaire et précurseur. Jusqu’à l’arrivée de Synerfi en juillet 1990: cette filiale de capital à risque de la Générale de Banque prend 30% du capital du holding d’Abelag . En 1992, la filiale « aviation » du holding bénéficie d’une augmentation de capital de 175 millions de francs belges souscrite par MM. Ganshof van der Meersch, Denis et Patrick Solvay (qui détiennent chacun 5,75% dans Abelag Aviation), portant le capital libéré à 423 millions de francs belges.

OO-LFY: Le premier Learjet 35A d’Abelag, le OO-LFY, photographié en vol peu après sa livraison en 1979.

André Ganshof van der Meersch passe le relais comme administrateur-délégué à Denis Solvay en 1994. Il reste président du conseil d’administration et actionnaire principal jusqu’à fin 2000. Et au travers de Abelag Aircraft Associated, il est propriétaire du Learjet 45 OO-LFS qui est mis en exploitation chez Abelag Aviation en 1999.

N’ayant pas de descendance directe, il s’inquiète de l’avenir de sa compagnie, et décide de rechercher un candidat repreneur de ses parts de capital. Mais Abelag Aviation, c’est un énorme morceau de sa vie, c’est sa famille. Au fil des années, la diversité des activités a permis de mieux encaisser les aléas de la conjoncture économique. Et la qualité du service proposé a notamment reposé sur le dévouement du personnel. Dès lors, il impose ses conditions pour garantir la pérénité de l’entreprise Pas de vente par appartement, pas de vente à des non-professionnels de l’aviation et pas de licenciement.Et après quelques tentatives infructueuses, fin 2000 un accord est trouvé avec le groupe Westlink, déjà actionnaire principal de l’entreprise courtraisienne Sky Service, qui a aussi fait ses preuves dans le secteur, mais aussi de Prest’Affair, une société française basée à Lille. Mais le nom d’Abelag est tellement connu et respecté mondialement et porteur d’un héritage de qualité que Westlink décide en 2004 de se rebaptiser Abelag Group. Et depuis, le secteur de l’aviation d’affaires a connu une croissance phénoménale en Europe, mais aussi en Belgique.

Un nouveau remaniement de l’actionnariat a lieu en 2007 avec l’entrée dans le capital du fonds d’investissement Sofindev III, qui crée en 2008 Abelag Holding, couvrant trois entités: Abelag Aviation, Abelag Handling et Abelag Technics. L’ouverture de bureaux à Paris et Eindhoven, s’ajoutant aux bases existantes de Bruxelles, Kortrijk et Anvers, confirme l’européanisation du groupe.

La direction actuelle d’Abelag, devant le stand Luxaviation à la récente European Business Aviation Conference and Exhibition (EBACE) à Genève en mai 2014: Barth Foucart et Patrick Hansen, les deux co-CEO de Luxaviation, avec Hervé Laitat, CEO du groupe Abelag.

En juin 2013, Abelag annonce son intégration dans le groupe Luxaviation, qui opère cinq avions au départ de Luxembourg, et possède également la société allemande Fairjets. Patrick Hansen, CEO de Luxaviation, déclare: «Le marché européen est de plus en plus régulé et favorise les opérateurs disposant d’une flotte significative. L’acquisition d’Abelag va nous permettre de devenir un acteur majeur sur le marché international de l’aviation d’affaires.

La reprise en janvier 2014 de Unijet par Abelag Aviation, dans le cadre de l’expansion du groupe Luxaviation, renforce le statut du groupe comme acteur majeur de l’aviation d’affaires européenne. En mai 2014, London Executive Aviation (LEA) est à son tour intégré dans le groupe Luxaviation. Fondé en 1996, c’est le plus important opérateur anglais d’avions d’affaires, avec une flotte de 26 avions. Avec les acquisitions d’Unijet et de LEA, le nouveau groupe emploie désormais 470 collaborateurs et opère nonante  avions – dont un tiers de long-courriers – répartis dans cinq pays européens. Unijet et Abelag figurant parmi les plus anciennes compagnies d’aviation d’affaires en Europe, le groupe Luxaviation totalise désormais plus de 100 années d’expérience, de savoir-faire reconnu et d’excellence au service de ses clients. Tout en conservant son identité, leadership et indépendance opérationnelle, Abelag comme chacune des composantes du  nouveau groupe d’aviation d’affaires profitera de nombreuses synergies, notamment en termes de maintenance, de formation et de portefeuille de clients. Hervé Laitat, Administrateur-délégué d’Abelag, confirme: « En intégrant Luxaviation nous allons continuer à offrir à nos clients des services d’excellence, tout en leur faisant bénéficier d’avantages que seul un grand groupe international peut apporter».

Le Dassault Falcon 2000 est un des piliers de la flotte actuelle d’Abelag. Le premier (OO-GFD) a été introduit en 2000 et il y en a actuellement quatre en service.

Le fondateur d’Abelag, et pionnier belge de l’aviation d’affaires André Ganshof van der Meersch est décédé en 2003, mais l’œuvre de sa vie perdure avec succès et rend justice à son esprit visionnaire auquel une poignée de collaborateurs motivés ont cru et ont contribué à l’évolution de l’entreprise. A l’aube de son second demi-siècle d’existence, Abelag Aviation représente environ 125 emplois, dont 45 pilotes, un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros (2012), 6.700 heures de vol (2012) et une flotte de 25 avions. Et son intégration dans un groupe qui devient un des principaux acteurs européens du secteur lui permet d’entrevoir l’avenir avec confiance et ambition.

Texte et photos: Guy Viselé

Guy Viselé

Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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