Les ULM aident les éléphants d'Afrique à survivre

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Baisy-Thy, le 6 juillet 2013. Chez ULM Baisy-Thy, distributeur du FK9 de B&F Technik pour le Benelux, un projet atypique est en cours de finalisation. Deux avions ont été équipés d'un système de caméras destiné à lutter contre la chasse illégale au Cameroun. Hangar Flying s'est entretenu avec Didier Coddens, co-directeur.

Didier Coddens est le pilier technique de l'entreprise familiale. (Photo : Manu Godfroid)

Braconniers
Le vaste territoire camerounais compte de nombreux grands parcs nationaux, allant de la savane à la brousse. Au printemps dernier, plus de trois cents éléphants ont été abattus sans pitié et démembrés en peu de temps dans les parcs nationaux de Bouba N'Djida et de Nki. Les braconniers ont également semé la destruction au Tchad et en République centrafricaine. Les images atroces de ces massacres ont fait la une des journaux du monde entier. Des carcasses mutilées ont envahi nos écrans de télévision et nos journaux.

Puis vint le grand black-out médiatique. Pourtant, le problème persiste. Des gangs de plus en plus organisés attaquent les animaux avec des armes de guerre et ne ménagent aucun effort sur leur passage. Des gardes forestiers sont tués ou grièvement blessés lors de leurs interventions. Le braconnage a atteint des proportions alarmantes ces dernières années, en partie parce que le prix de l'ivoire ne cesse d'augmenter et qu'il est très recherché en Asie et en Europe. Une petite recherche sur Google m'a conduit à une annonce pour une paire de défenses exceptionnellement longues, accompagnée de documents et de certificats légaux datant de 1960, avant que le commerce de l'ivoire ne soit restreint. Le prix demandé est de 60 000 €.

Au Cameroun, le braconnage est pris très au sérieux par le gouvernement. De nouvelles lois prévoient de lourdes peines de prison et des amendes. Depuis décembre 2012, la République a déployé 600 soldats pour protéger la faune sauvage de ses parcs nationaux contre les braconniers.

Du 21 au 23 mars 2013, une réunion ministérielle extraordinaire s'est tenue à Yaoundé, la capitale, en présence de la plupart des États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC). Huit pays y ont signé un traité : la « Déclaration de gauche contre le braconnage en Afrique centrale ». Cet accord vise à favoriser la coopération internationale et à élaborer des stratégies pour neutraliser les organisations de braconnage. Les deux républiques congolaises y ont également participé.

Les deux avions-caméras sont équipés de pneus de brousse. (Photo Gerard Verhoeven)

ULM Baisy-Thy
Hangar Flying a demandé à Didier Coddens d'ULM Baisy-Thy comment lui est venu le projet d'utiliser des ULM pour lutter contre la chasse illégale.

Didier Coddens : « En 2008, j'ai rencontré le Français Xavier Ode, ancien ingénieur aéronautique militaire disposant de nombreux contacts au Cameroun. Il envisageait depuis longtemps de déployer des avions de surveillance pour lutter contre la chasse illégale. Xavier m'a présenté son projet et j'ai été convaincu de collaborer. Il a ensuite visité l'usine B&F en Allemagne avec des représentants du gouvernement camerounais. Ils ont également visité l'usine B&F ici et l'importateur français, Innov'Air. Les contacts se sont bien déroulés et la décision a finalement été prise de collaborer avec nous. Ce projet s'est avéré difficile et chronophage. Cinq ans après les premières négociations, nous entrons maintenant dans la phase finale du projet. »

Rien n'était évident
Initialement, les prix avaient été fixés pour deux FK9 équipés d'un système de caméra opérationnel. Dans ce cas, les progrès furent très lents, aggravés par la crise économique mondiale. Des années plus tard, les prix réapparurent sans ajustement d'indice. Les devis pour le système de caméra étaient basés sur un système suisse qui avait déjà donné de bons résultats sur un FK9 utilisé par la police italienne. Finalement, à Baisy-Thy, la société suisse fut informée de son refus de coopérer.

L'équipe Baisy-Thy s'est donc mise à la recherche d'une solution concrète. Il est vite devenu évident que prêt à monter les systèmes sur le marché étaient trois à quatre fois plus chers, ils n'ont rien trouvé dans le budget qu'ils avaient prévu.

Étant liés par des contrats, ils n’avaient qu’une seule solution : relever le défi de concevoir leur propre système capable de fournir la qualité d’image opérationnelle nécessaire.

L'objectif et son support, à la fois robuste et léger, sont en fibre de carbone. Le tout est protégé par un dôme en plexiglas. (Photo : Guy Viselé)

Ils ont commencé avec le même type d'appareil photo professionnel Panasonic que celui utilisé dans le système suisse. Leur principale préoccupation était de développer un support d'appareil photo léger, stable et facilement contrôlable. Un support en fibre de carbone a été fabriqué par une entreprise externe selon les spécifications prescrites.

Ce boîtier Graupner a été équipé d'une électronique sur mesure. (Photo Gerard Verhoeven)

L'objectif est contrôlé par des servomoteurs reliés par câble à un système de joystick. Ce système repose sur un boîtier Graupner RC, qui fonctionne avec fluidité et précision. Toute l'électronique interne a été remplacée par des circuits conçus en interne. Le joystick gauche contrôle le zoom et l'enregistrement, tandis que le joystick droit contrôle le panoramique (mouvement horizontal) et l'inclinaison (inclinaison verticale).

Didier Coddens : « L’équipage est composé d’un pilote et d’un observateur/caméraman. L’opérateur reçoit l’image sur un petit écran intégré au système Panasonic. Nous avons trouvé cela insuffisant, nous avons donc installé un écran Full HD de 7 pouces dans chaque ULM. »

Un regard indiscret dans les coulisses… Dans le studio de l'ULM Baisy-Thy (www.ulm.be) est ajouté à un moderne cockpit en verre Un travail unique. Les deux écrans de droite sont respectivement le moniteur Full HD et le boîtier de la caméra. Le manche de commande droit est facilement amovible pour offrir au caméraman plus d'espace de travail. (Photo : Gerard Verhoeven)

Didier Coddens : « Le dôme en plexiglas entourant l'objectif est également important pour la qualité optique et a été fabriqué sur mesure par une entreprise de Fleurus. Notre cahier des charges précisait un rayon de courbure constant et une épaisseur de matériau constante afin de minimiser la distorsion de l'image. L'équipement d'enregistrement était initialement conçu avec une stabilisation par gyroscope. Des essais en vol ultérieurs nous ont montré que ce n'était pas nécessaire et que la stabilité de l'image était plus que suffisante. »

missions africaines
Le FK9 sera principalement déployé pour traquer et filmer les braconniers, permettant ainsi aux forces terrestres de les appréhender. Grâce à deux avions opérant dans des régions différentes, des résultats significatifs pourront être obtenus. D'autres missions comprendront également le comptage d'animaux et le marquage des frontières.

Chaque avion disposera de son propre véhicule tout-terrain, qui suivra ses déplacements et lui apportera une assistance logistique et technique. Grâce à des possibilités de ravitaillement et de nuitées à proximité, il sera possible de couvrir de longues distances lors de missions de plusieurs jours. Dans les régions où ils seront utilisés, l'infrastructure aéronautique est quasiment inexistante. Les ULM sont des B&F Technik FK9 Ela Professional « Classic », équipés de roues de queue et de pneus de brousse, leur permettant d'atterrir et de décoller dans un maximum d'endroits. Ils sont propulsés par un moteur Rotax 912 de 100 ch.

Prêts pour le long voyage vers une carrière de pilote aventureuse. Nous espérons des missions efficaces et réussies. (Photo Gerard Verhoeven)

Deux mois dans un conteneur maritime
Les appareils finis ont été placés dans un conteneur de fret à la fin du mois de mai, qui a ensuite quitté Anvers et se trouvait au moment de cette conversation dans le port de Las Palmas en attente Le conteneur pourrait être déchargé dans la ville portuaire camerounaise de Douala à la fin du mois de juillet.

Si tout se passe bien, Didier se rendra en Afrique début août pour assembler les avions, les faire atterrir et procéder aux ajustements nécessaires. Cette opération aura lieu au plus fort de la saison des pluies. Il formera également deux instructeurs sur place au pilotage de l'avion et du système de caméra. Ils formeront ensuite le personnel local afin que les missions puissent démarrer et se dérouler de manière autonome.

Après sa réception officielle par le ministère des Forêts et de la Faune, ce projet pourrait être mené à bien. Une suite est envisageable : plusieurs pays africains ont déjà manifesté leur intérêt.

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Manu Godfroid

Photo de Manu Godfroid

Manu Godfroid

Manu est né et a grandi près de l'aérodrome de Grimbergen. Dès son plus jeune âge, il s'est passionné pour l'aviation de loisir, les avions de construction amateur, puis pour les ULM. Manu est titulaire d'une licence de pilote d'ULM. Sensible au charme et à la poésie de l'aviation, il aime écouter les récits d'expérience des autres.