L’avion de la Sonaca

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Gosselies, le 6 octobre 2015. L’annonce cet été du support et de la participation de la Sonaca au développement d’un avion léger belge a surpris les milieux aéronautiques nationaux. Pour en savoir plus, Hangar Flying a rencontré récemment les initiateurs de ce projet.

Le Sling 2 qui servira au développement du VLA de Sonaca Aircraft est judicieusement immatriculé OO-SON. (Photo Guy Viselé)

Le début de l’aventure

Il y a un peu plus d’un an et demi, trois ingénieurs du service d’études de la Sonaca, Sophie Lancereau, Carl Mengdehl et Pierre Van Wetter, veulent développer un avion d’aviation générale. Mis au courant, l’administrateur-délégué, Bernard Delvaux, supporte l’initiative et donne son accord pour réaliser une étude de marché et des possibilités de développement. La première idée était de concevoir un avion électrique. Mais la volonté de mettre rapidement le produit sur le marché a fait que l’on est très vite passé à un avion à moteur thermique conventionnel. Plutôt que de partir d’une feuille blanche, il a été décidé de développer et d’améliorer un avion existant en y apportant l’expérience et la compétence d’une entreprise aéronautique telle que la Sonaca.

Les trois ingénieurs de la Sonaca, initiateurs du projet, Sophie Lancereau, Carl Mengdehl et Pierre Van Wetter, avec James Pitman (The Aircraft Factory)  lors de l’arrivée de l’avion à Charleroi le 13 mai 2015. (Photo Sonaca Aircraft)

The Aeroplane Factory

Le choix s’est porté sur un appareil développé en Afrique du Sud par « The Aeroplane Factory », le Sling 2. Il est proposé en deux versions : en « ready to fly » et sous forme de kit – sous une homologation sud-africaine de type LSA (Light Sport Aircraft) (poids maxi 600 kg).Selon les versions il est motorisé soit en Rotax 912 de 100 cv/75kW, soit en Rotax 914UL de 115 cv/86 Kw. Il a déjà été produit à plus de cent exemplaires, répartis moitié-moitié en « ready to fly » et en kit.

Vue de trios quart avant permettant d’apprécier la finesse et l’aérodynamisme de l’avion. (Photo Guy Viselé)

Chez « The Aircraft Factory »,  la structure a été conçue et testée pour une MTOW de 700 kg, mais l’homologation sud-africaine ne permet qu’une masse maxi de 600kg. Beaucoup de constructeurs utilisent les dénominations LSA et VLA pour se référer à des MTOW mais ne sont pas du tout certifiés par des autorités aéronautiques reconnues internationalement comme l’EASA et la FAA. Il s’agit souvent d’homologation nationale. Mais c’est une certification européenne CS-VLA (« Very Light Aircraft ») qui intéresse les promoteurs du projet avec une MTOW de 750 kg.

Carl Mengdehl et Pierre Van Wetter devant le OO-SON. (Photo Guy Viselé)

Le projet belge consiste à apporter les modifications au niveau de la structure et des systèmes de manière à répondre d’une part à la demande du marché européens et d’autre part aux requis de la certification européenne EASA pour une MTOW de 750kg. Le cahier des charges a donc été entièrement revu et le dossier de dessin, calcul et essais structuraux est en cours d’élaboration selon les normes et requis des autorités européennes. L’ensemble du travail consiste d’une part à développer et certifier l’avion (TC, type certificate), certifier le ´design office ´ (DOA, design organisation approval) et certifier le site de production (POA, product organisation approval) de Sonaca.

Le tableau de bord du OO-SON, avec l’écran Garmin. (Photo Guy Viselé)

Sonaca Aircraft

Au niveau des structures, SONACA s’est associée avec le fonds public d’investissement wallon SRIW pour créer la Sonaca Venture Holding (SVH), qui devient actionnaire à 65% de la toute récente société anonyme Sonaca Aircraft, dont les autres partenaires sont « The Aeroplane Factory » à hauteur de 25% et les trois ingénieurs initiateurs du projet qui détiennent ensemble les 10% restants. Le capital initial est de plus de 2 millions d’euros.

Un accord de partenariat a été signé entre les belges et les sud-africains. Un appareil sud-africain est acheté et convoyé vers la Belgique où il sera étudié en vue d’être amélioré et développé dans une nouvelle version « belge ».

Le raid Johannesburg-Bruxelles et son logo sont fièrement affichés sur le fuselage. (Photo Guy Viselé)

Un avion « belge »

Le nouvel avion qui sera développé par Sonaca Aircraft au départ du Sling 2 aura un aspect extérieur inchangé, mais bénéficiera d’améliorations de la structure, tenue à la corrosion, accessibilité à la maintenance, rendues possibles par les compétences acquises par la Sonaca au travers de son expérience de grand industriel du secteur. Et Sonaca Aircraft sera aussi en charge de la certification EASA, qui lui ouvrira le marché européen et des pays reconnaissant la certification européenne, le Sling 2 actuel n’étant homologué qu’en Afrique du Sud et vendu sous forme de kit aux constructeurs amateurs aux Etats-Unis et en Australie. L’assemblage final sera effectué sur le site de Gosselies. L’appareil qui résultera de ces modifications portera un nouveau nom qui sera révélé prochainement.

Un premier prototype devrait voler d’ici un an. Et la production pourrait commencer d’ici deux ans, avec un objectif d’une vingtaine d’avions la première année, la cadence pouvant monter vers les 80 unités annuelles en fonction du marché. La zone de prix se situera entre 150.000 et 200.000 euros selon les équipements.

Piloté par Pierre Van Wetter (Sonaca) et James Pitman (The Aeroplane Factory), l’avion traverse l’Afrique et la Méditerranée avec un minimum d’escales. (Photo Sonaca Aircraft)

Deux modèles sont considérés : le « standard » avec hélice à pas fixe et instruments conventionnels, et une version évoluée avec « glass cockpit » Garmin et hélice « constant speed ». Sonaca Aircraft ambitionne d’offrir un avion au comportement très sécuritaire (stabilité, bon comportement à basse vitesse, homogénéité complète des commandes). Sa plage de vitesse s’étend de 40 kts (vitesse de décrochage avec plein volets) à 145 kts (VNe), et une vitesse de croisière à 75% de la puissance de 115 kts. Il a un coût de maintenance réduit, et consomme moins de carburant que la plupart des modèles concurrents. Sur le plan environnemental, son moteur fonctionne à l’essence sans plomb et il est peu bruyant. Sa consommation est inférieure à 20 litres/heure. Et avec une capacité de 150 litres, il a une endurance de près de 7 heures. Il bénéficie d’une excellente masse d’emport, sa charge utile se situant à 220 kg. Son poids à vide sera de 430 kg. Le marché visé ne se limite pas à l’aviation sportive et de tourisme. Les promoteurs le profilent également comme avion d’écolage, simple, robuste et économique. Son cockpit spacieux offre une excellente visibilité.

Un logo spécial pour un vol spécial. (Photo Guy Viselé)

Le raid Johannesburg-Charleroi

Afin de tester l’avion, le vol de convoyage organisé en mai 2015 se transforme en un raid Johannesburg-Charleroi. Préparé de façon minutieuse, il se déroule avec succès en mai 2015. Piloté par Pierre Van Wetter (Sonaca) et James Pitman (The Aeroplane Factory), l’avion traverse l’Afrique et la Méditerranée avec un minimum d’escales et des distances sans ravitaillement impressionnantes. Le vol est effectué sous immatriculation (ZU-IFN) et homologation sud-africaine, ce qui a permis certaines modifications temporaires en matière d’emport de carburant : en plus des 150 litres des réservoirs standards, 120 litres se rajoutent grâce à un réservoir supplémentaire de bord d’attaque de l’aile et des  réservoirs auxiliaires dans le compartiment bagages. L’avion volant à l’essence voiture, trouver ce genre de carburant sur de grands aéroports africains n’est pas évident, mais la débrouillardise et la collaboration amicale des autorités aéroportuaires permettent de solutionner le problème, parfois avec quelques retards.

La carte du raid avec les diverses escales. (Photo Sonaca Aircraft)

La première étape, de Johannesburg à Dar-Es-Salaam (1.350 NM) est réalisée en 10h54. La météo africaine et sa zone de convergence inter-tropicale contraignent les deux pilotes à y rester trois jours en raison d’orages intenses. Il leur faut monter à plus de 15.000 ft pour pouvoir naviguer entre d’impressionnants cumulo-nimbus et arriver à Addis Abeba (Ethiopie) après près de 9 heures de vol (947 nm) le 9 mai. Et là, pas d’essence… Ils décident de redécoller après avoir vérifié les quantités restantes qui devraient suffire, et atteignent Kartoum (Soudan) après un total de 14h48 de vol et un trajet de 1.650 nm ! Excellente démonstration des performances « consommation réelle » de la machine. De Kartoum, ils volent vers la Crête (1.350 nm, 12h30 de vol) La dernière partie du trajet ( 1.330 nm 13h24) s’effectue via l’île de Corfou, car indisponibilité de fuel à Chania, excepté le Jet-A1. Une dernière escale à Troyes (France) permet d’organiser un accueil festif bien mérité à Gosselies le lendemain, le 13 mai 2015.

Le CEO de Sonaca, Bernard Delvaux, se fait expliquer le déroulement du vol de convoyage par James Pitman (The Aircraft Factory)  lors de l’arrivée de l’avion à Charleroi le 13 mai 2015. Une carte des différents raids accomplis par des Sling à travers le monde est reproduite sur chaque aile de l’avion. (Photo Sonaca Aircraft)

OO-SON

Le Sling 2 livré à Sonaca Aircraft, vole maintenant avec l’immatriculation belge  OO-SON sous laissez-passer belge délivré par la DGTA sur base d’un dossier de justifications structurelles restreint. Il s’agit d’un « Permit to Fly » national (non EASA) et les autorisations de survol pour la Suisse, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont été obtenues sur base de ce laissez passer, permettant donc de présenter l’avion dans les pays voisins. Ces autorisations sont temporaires (3 à 6 mois en fonction et peuvent être renouvelées). Elles permettent de pouvoir présenter l’avion aux aéro-clubs, écoles de pilotage, pilotes privés des pays voisins lors de vols de démonstrations. Les activités de Sonaca Aircraft peuvent être suivies sur leur site (www.sonaca-aircraft.com),  ainsi que sur Facebook (https://www.facebook.com/SonacaAircraft).

Le Sling 2 arbore fièrement le nouveau graphisme de la Sonaca et les drapeaux belge et sud-africain. (Photo Guy Viselé)

La décision de SONACA, grand industriel aéronautique et fournisseur d’éléments de haute technologie pour les grands industriels aéronautiques mondiaux (Airbus, Bombardier, Dassault, Embraer) de s’associer à un projet de développement d’un avion léger belge répond à diverses motivations. Associer les ingénieurs au développement d’un nouvel avion portant la marque Sonaca constitue une fierté et une motivation additionnelle pour le personnel. Réalisme industriel oblige, en vue d’arriver à des coûts compétitifs, des appels d’offres vers des sous-traitants de divers éléments sont considérés pour les tâches qui ne requièrent pas les compétences élevées du personnel hautement qualifié de la Sonaca (www.sonaca.com) . Mais l’assemblage final sera fait par l’usine carolorégienne, apportant une visibilité qui s’ajoute à l’image de marque déjà excellente et contribuant à la notoriété de l’entreprise.

Le futur avion de Sonaca Aircraft sera développé au départ de ce premier Sling 2 belge. (Photo Guy Viselé)

Guy Viselé

Photos : Sonaca Aircraft et Guy Viselé

Guy Viselé

Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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