Olivier Ronveaux, aux frontières du monde et de l’électrique

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St-Ghislain, 24 juillet 2011. C’est en sa qualité de Commandant d’aérodrome (fonction qu’il exerce volontairement en alternance avec quelques collègues-pilotes) qu’Olivier Ronveaux nous accueille sur le terrain. Avec sa piste en dur de 650 mètres et sa localisation proche de l’autoroute Mons-Paris, il est un des plus beaux sites d’aviation de la Wallonie et héberge écoles de pilotage, avions privés et ULM de variétés multiples. Hangar Flying y a rencontré un homme vivant intensément sa passion de l’air, et qui se partage entre l’exploitation de son école de pilotage ULM, l’organisation et la participation à de grands raids, et le défrichement du vol électrique. Nous y avons découvert l’avion électrique de conception et de construction chinoise Yuneec E430, une première qui associe les ailes belges au développement de cette technologie d’avenir.

Olivier Ronveaux à l’arrivée du raid Sydney-Charleroi.

Portrait

Agé de 46 ans, Olivier Ronveaux est bien connu dans les milieux aéronautiques belges pour les grands raids qu’il a effectués en ULM ces dernières années, donnant ainsi à ce sport aérien une dimension autre que celle de fous volants dans de drôles de machines. Pompier professionnel, il apprend à voler (avion) à Grimbergen chez la Miss Devleminck, et devient pilote privé sur Robin en 1991. Il découvre St-Ghislain suite à la fermeture de Grimbergen et au déménagement de la DAS (Devleminck Air Service). Dix ans plus tard, il découvre l’ULM et est d’abord co-propriétaire avec deux amis d’un MCR. Olivier continue à voler « avion » et dispose notamment d’un Glasair III et d’un Cessna T210 Centurion IFR. Et il pratique aussi le parachutisme. De 2007 à 2009, il participe activement au développement de l’aérodrome de Cerfontaine. Actuellement, il se concentre sur ses activités d’écolage en ULM à St-Ghislain avec ULM Sans Frontière (www.usf.be), et à l’aventure du vol électrique avec Yuneec (www.yuneec.be) .

Le Coyote II du raid est maintenant utilisé pour les activités d’écolage de USF.

Les grands raids
En 2002, c’est le début des grands voyages: suivant les traces des pionniers de l’Aéropostale, il vole de Baisy-Thy à Dakar, et retour. En 2003-2004, c’est le tour de l’Europe, toujours avec son MCR. L’Afrique l’attire et il en fait le tour complet de St-Ghislain à Cape Town et retour, en 2005. Et, plus récemment, dans le cadre du projet Earth Challenge, avec quelques amis et quatre ULM Rans Coyote II, il relie Sydney à Charleroi (www.earthchallenge.be). 27.000 kilomètres effectués du 29 octobre au 2 décembre 2009, avec six co-équipiers fabuleux: Jean Penninckx, Alexandre Gallina, Olivier Stulemeijer, Jean-Claude Materne, Pierre Hallet et Michel De Maegd. Et l’incontournable  prévisionniste météo, Luc Trullemans, qui rendit possible des étapes difficiles. Olivier nous raconte entre autres souvenirs marquants de ce raid, l’atterrissage en formation à Dubai en plein show aérien et la surprise de la leader féminine de la Patrouille de France en les voyant se parquer à côté des Alphajets et en apprenant leur périple. Au-delà de l’exploit sportif et aéronautique, les grands raids sont à chaque fois effectués avec des buts humanitaires. Appuyées par des sponsors, ces expéditions se font notamment pour venir en aide à des associations caritatives telles que « Make a Wish » ou Télévie.

Six des sept « mousquetaires » à l’arrivée du  Sydney-Charleroi.

Un pilote belge vole en Chine
Un de ses amis, Pierre Hallet, homme d’affaires belge qui a participé comme pilote et sponsor au Earth Challenge, et qui a une usine en Chine, le met en contact avec un des plus grands producteurs de petits hélicoptères et avions télécommandés. Etablis près de Shangai, ils produisent un de ces engins toutes les 7 secondes, expédient 300 containers par mois dans le monde entier et font vivre plus de 1.500 personnes. Le patron a le projet de construire de vrais avions, et de se lancer dans le tout nouveau créneau des avions « électriques », c’est-à-dire propulsé par un moteur alimenté par une batterie rechargeable. Il a besoin de pilotes d’essais pour tester ses nouveaux avions. Olivier part à Shangai, rencontre l’homme. L’entretien ne dure que 4 minutes, mais le courant est passé, et Olivier effectue les premiers vols d’essai du Yuneec 430 en 2010 au départ d’une section d’auroroute proche de l’usine. Un belge vole comme pilote d’essai d’un avion chinois, en Chine, pays pourtant peu ouvert à l’aviation générale! Ils se fixent un objectif: relier Shangai à l’Europe avec un avion électrique! Ce n’est pas pour demain, car on est dans un secteur d’avenir, mais avec plein de défis à relever: il faut impérativement diminuer le poids des batteries et augmenter leur endurance. Les premiers avions électriques pouvaient voler moins d’une heure avant de devoir recharger. Le Yuneec 430, en croisière économique, tient l’air pendant 3 heures. Il faut alléger la cellule, actuellement essentiellement en matériaux composite: elle évolue vers une structure tout carbone qui lui fera gagner 60 kg. Quant on sait que la batterie actuelle pèse un peu plus de 80 kilos (soit le poids d’un passager), ce genre de gain est appréciable.

Yuneec
Comme au temps des pionniers de l’aéronautique, des concours dotés de prix encouragent les constructeurs à développer des prototypes. Aux Etats-Unis, la NASA Cafe récompensera d’un prix de 1,5 millions de dollars celui qui réussira le premier à voler 200 miles en full electric power  en 2 heures. Yuneec a voulu se lancer dans la compétition et a engagé un ingénieur-pilote allemand, Martin Wezel. Ils ont développé un intéressant bimoteur push-pull, le Yuneec 1000. Il effectue son premier vol en mai de cette année, mais le deuxième vol se termine en tragédie, entraînant la mort de Martin Wezel. Cet accident ne remet pas en cause le développement d’une famille d’avions Yuneec à propulsion électrique, mais ralentit le timing, la priorité à la sécurité nécessitant une analyse des causes de l’accident et des leçons à en tirer avant d’entamer la production en série.

Le Yuneec 430 est donc actuellement encore au stade de prototype bien évolué. Il a été présenté pour la première fois au rassemblement aérien d’Oshkosh aux USA l’été passé. Olivier Ronveaux y était et a été très impressionné par ce qui est et reste le plus grand rassemblement d’avions et le show aérien le plus dense et diversifié de la planète, le tout dans une ambiance bon enfant. Yuneec s’est vu décerner des mains du petit-fils de Lindbergh le prestigieux Best Electric Aircraft Award, pour marquer l’importance de sa contribution au développement du E430.

Le premier E430 a été l’une des vedettes à Oskosh l’an passé.

Voler sans essence ou kérosene, c’est voler sans émissions de gaz à effet de serre. Et le moteur électrique est aussi excessivement peu bruyant. Olivier Ronveaux a présenté le deuxième prototype du Yuneec 430 au Salon des constructeurs amateurs et de l’ultra léger de Blois en France l’an passé. Il est le distributeur de la marque pour la France et le Benelux. Tant Oshkosh que Blois ont suscité énormément d’intérêt de la part des milieux aéronautiques.

Les développements
Avant de le produire en série et de le commercialiser, Yuneec veut l’améliorer en le réalisant en tout carbone et en améliorant les systèmes de la batterie. Tout est construit à l’usine chinoise, sauf la batterie, développée et fabriquée par Kokam en Corée. Sa durée de vie est de 1.500 recharges sur secteur, soit avec une durée moyenne de deux heures par vol, une vie utile équivalente à environ 3.000 heures de vol. Il faut quatre heures et demi pour la recharger. Son poids peut être comparé à celui de l’essence nécessaire pour un vol, avec une différence majeure: elle ne « maigrit » pas en vol. D’où la difficulté de maintenir l’avion dans les limites de poids des ULM, et l’ambition d’arriver à le faire certifier comme LSA (Light Sport Aircraft) aux Etats-Unis.

Le Yuneec N° 002 dans le hangar de St-Ghislain.

Aspects économiques
Le coût de la batterie peut sembler énorme à première vue: 18.000 euros. Mais elle permet de voler plusieurs milliers d’heures sans dépenses de carburant. Si l’on compare avec une consommation de 15 litres/heure à un prix de 1,6 euros/litre et sur 3.000 heures, on arrive à un budget « carburant » de 72.000 euros avec un avion très léger classique! Et la recharger sur secteur revient à maximum 4 euros! Le moteur Brushless silencieux de 54 CV (40 KW) ne pèse que 19 kg et est exempt de toute vibration. En plus d’un démarrage immédiat et d’une réponse directe de l’accélérateur, le moteur électrique n’est pas affecté  par l’altitude.

Olivier nous résume en quelques mots les pour et les contre de l’électrique:

« En positif, zéro fuel, bruit quasi nul, check-list simplifiée (plus d’essais moteurs/magnétos/robinet de carburant ou chauffe moteur en hiver), finesse du planeur, agréable à piloter. En négatif: actuellement trop grosse batterie, temps de recharge, vitesse de croisière comparable à un moto-planeur (110 km/h en croisière économique). Mais les progrès sont rapides: il y a trois ans, l’endurance d’une batterie était de 35 minutes. On est passé très vite à une heure, puis deux et maintenant trois. »

 

L’ULM Spyder propulsé par un moteur électrique.

Sur les premiers avions électriques, le système de propulsion était un patchwork de moteur électrique, convertisseur de puissance, batterie, et chargeurs de différentes sources. Yuneec en a fait pour la première fois un système de propulsion complet disponible sans problèmes de compatibilité entre les divers éléments. Yuneec fabrique, dans ses nouvelles usines de Shanghai, tous les éléments des systèmes de motorisation électrique. Cela veut dire que tous ces éléments sont développés pour fonctionner ensemble et assurer des caractéristiques optimales de puissance, fiabilité et longévité.

Olivier Ronveaux et Pierre Hallet sont associés dans ce merveilleux challenge de la commercialisation du vol électrique au travers de Yuneec International Electric Aviation (www.yuneec.be) . Si l’accent est mis actuellement sur l’E430, il ne doit pas faire oublier que Yuneec dispose d’autres modèles propulsés électriquement. Cela débute avec l’ULM Spyder amélioré et propulsé électrique, évolue vers le moto-planeur Viva pour arriver au E430. Le système de motorisation électrique « Plug In & Fly » de Yuteec est disponible en 4 motorisations différentes (10, 20, 40 ou 60 Kw), avec 2 vitesses différentes (2.000 et 2.400 tours minutes). Il y a aussi un E-Pac pour paramoteur. Les avantages du « Plug & Play» et l’utilisation silencieuse du moteur électrique permettent un vol sans troubles du voisinage. L’E-Pac est le premier système de vol électrique commercialisé.

Le prototype du motoplaneur Yuneec Viva à propulseur électrique.

Projets
Outre son implication dans le développement et la future commercialisation du Yuneec, Olivier poursuit activement sa carrière de pilote d’avion, et d’instructeur ULM. Son prochain projet de grand raid devrait le voir faire le tour de l’Amérique du Sud en 2014, un continent qu’il n’a pas encore exploré. Et cette fois en hydravion, à savoir le Super Petrel LS, un ULM amphibie à coque construit au Brésil et dérivé du Petrel d’origine française.

Le prochain objectif est le tour d’Amérique du Sud en ULM amphibie Super Petrel.

Texte et Photos: Guy Viselé

 

 

Guy Viselé

Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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