Aéroport de Virton-Latour, du terrain d'atterrissage avancé à la zone industrielle

SAN D140R Abeille OO-VVL lors d'un meeting aérien organisé dans les hangars de Latour. Cet avion, appartenant à l'Aéro Club du Hainaut asbl, basé à Casteau, a probablement servi d'avion remorqueur lors d'une réunion à l'aérodrome de Latour. (Archives Patrice Dumont)

Latour, le 16 juillet 2025. Nous avons visité le cénotaphe du lieutenant-comte Guy de Baillet Latour Dans le village de Latour. Un guide sympathique, proche parent d'un représentant de l'ancien aérodrome de Virton-Latour (code OACI EBVT), nous a fait visiter le musée et l'église restaurés. Cet aérodrome, depuis longtemps oublié, était situé à environ quatre kilomètres à l'est de Virton, au sud de la route nationale N88, dans le district de Latour (Gaume, province de Luxembourg). Après des années d'activité aérienne, le site a été transformé en zone industrielle à partir du milieu des années 1970. Mais toutes les traces d'aviation n'ont pas disparu. Retour sur l'histoire de cet aérodrome oublié.

Avant la Seconde Guerre mondiale

Fin 1938, le Club Aéronautique du Luxembourg fut fondé. Il utilisa des prairies de Bar comme aérodrome. Cette clairière se situe dans la forêt au nord de Latour et du village d'Éthe, près de la Ferme de Bar (rue de Bar 3). Le club fit l'acquisition d'un planeur Kassel 12, le « El Tarcelet », et d'un treuil.

4 juin 1939, vol plané avec le Kassel depuis la plaine de Bar. (Archives Patrice Dumont)

Le dimanche 5 mars 1939, le club organisa une exposition de planeurs en collaboration avec le Club d'aviation Liedel d'Arlon. Ce dernier, parfois aussi appelé « cercle », était un club de modélistes (« petite aviation »).

Les premiers vols avec le Kassel furent annoncés dans le journal du 1er avril 1939. En même temps, il fut annoncé que le club exposerait son planeur à la Foire-Exposition de Pâques à Virton.

Seconde guerre mondiale

Vers 1943, les forces d'occupation allemandes commencèrent à démolir une gare de triage désaffectée à Latour. L'objectif était d'expédier l'acier en Allemagne pour l'industrie de guerre. Les Allemands auraient utilisé le site libéré comme aérodrome dès 1944. Le 8 septembre 1944, la région fut libérée et les troupes américaines construisirent une piste renforcée de cendres sur le terrain dégagé par les Allemands.

L'US Army Air Force a utilisé ce terrain d'atterrissage d'urgence et de liaison (Advanced Landing Ground) Y-41 à partir du 26 décembre 1944. Officiellement, ils étaient censés larguer cet ALG le 3 mai 1945, mais dans la pratique, les Dakotas et les avions de liaison plus petits ont continué à utiliser le terrain de manière sporadique jusqu'à l'été 1945.

Un Dakota au terrain d'atterrissage avancé de Latour. (Archives Patrice Dumont)

À la fin des années 1940, un aéroport officiellement reconnu

Après la Libération, les jeunes eurent l'occasion de pratiquer l'aéromodélisme, et le vol à voile et le vol à moteur connurent un regain d'intérêt. Au départ, le vol à voile se déroulait près de la ferme de Bar. Durant le week-end de la Pentecôte, les 8 et 9 juin 1946, le club de vol à voile d'Esch-sur-Alzette (Grand-Duché de Luxembourg) vint camper et fraterniser pendant deux jours. Le club de Latour fit également l'acquisition d'un Schneider SG-38 à cette époque, son deuxième planeur. Des accidents impliquant ces planeurs forcèrent les membres à compter quelque temps sur l'assistance des clubs français.

La date officielle de fondation du Club aéronautique luxembourgeois asbl (CAL), basé à Virton, est inconnue, mais son enregistrement date du 14 mars 1946 et l'acte a été publié au Moniteur belge du 30 mars 1946. L'association avait pour but de promouvoir l'aviation générale (aéromodélisme), le vol à voile, le vol à moteur et l'organisation de conférences. Pierre Bouchoms en assuma la présidence. Il fut également directeur des Moulins Materne à Berchiwé (Meix-devant-Virton). Dès ses débuts, le club prit l'initiative d'adapter les infrastructures de l'aérodrome de Latour et d'organiser diverses activités.

Papeterie du Club aéronautique de Luxembourg. (Archives Frans Van Humbeek)

À partir du 1er juin 1946, le Club aéronautique de Luxembourg reçut de la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB, NMBS) l'autorisation d'utiliser un terrain de 9 hectares et 35 hectares à Latour, moyennant un loyer de 935 francs. Les chemins de fer belges conservaient le droit de réoccuper le terrain à tout moment.

Le club CAL acquit l'usage d'un bâtiment en briques désaffecté par les chemins de fer. Plus tard, il obtint également des droits de chasse sur le domaine. La zone qui servait de base aérienne pendant la guerre devint progressivement un aérodrome civil.

Au début, les usagers de l'aéroport utilisaient un bâtiment en briques appartenant à la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB). Cette photo de l'équipe responsable de l'exploitation de l'aéroport y a été prise. (Archives Patrice Dumont)

L'ancien bâtiment de la SNCB/NMBS abritait un agent de sécurité de l'aéroport et sa famille, ainsi qu'un café et une salle de réunion/bureau. L'aéroclub était responsable de l'entretien des routes et des bâtiments, et finançait également l'électricité et l'eau. Plus tard, une modeste tour de verre fut érigée sur l'un des bâtiments ferroviaires. Elle devait servir de tour de contrôle, mais n'a jamais été équipée techniquement. Son but était simplement d'offrir une meilleure vue du terrain.

Le cercle noir indique la tour de contrôle qui était placée sur les bâtiments de la SNCB. (Archives Patrice Dumont)

Le 3 juin 1946, Pierre Bouchoms demanda au capitaine Pierre Nottet, de l'Autorité de l'Aviation Civile, de reconnaître officiellement l'aérodrome américain de Latour comme aérodrome civil. L'aérodrome disposait d'une piste orientée est-ouest de 1 150 mètres de long, limitée à 800 mètres à partir de la fin des années 1940. Il était protégé des forts vents du nord et du sud par de hautes collines. Bouchoms souligna fièrement que l'aérodrome avait servi pendant la bataille des Ardennes pour l'atterrissage des chasseurs Dakota.

Le lendemain de sa candidature, Nottet partit explorer le terrain d'aviation potentiel. Le site de l'ancienne gare de triage sur la ligne Virton-Athus (Aubenge) était recouvert de cendres et le sol semblait ferme. Nottet donna une recommandation positive. L'aérodrome touristique devait être utilisé (pour le moment) uniquement par les membres de la CAL et leurs invités. Certaines recommandations restaient à mettre en œuvre (nivellement de certaines parties du site, marquage en T du sens d'atterrissage, manche à air, etc.). Nottet pensait même que le site pourrait encore parfaitement servir aux Dakota en cas d'urgence.

Au fil du temps, deux hangars métalliques ont abrité les avions et les planeurs. Le hangar encore debout est le plus ancien. Le second hangar a été vendu et le bar démoli lors du développement de la zone industrielle. En 1979, le second hangar était toujours debout. Le premier hangar métallique construit abritait le premier avion du club. Le Piper J3C-65/L-4J Cub OO-VIR était immatriculé au nom du club depuis le 29 mai 1946, et le Piper J3C-65/L-4J Cub OO-TON depuis le 25 février 1947.

L'instructeur Michaelis, originaire d'Arlon, assurait la formation à l'aide d'un Auster Arrow et d'un Auster Autocrat de l'entreprise Appareillage Technique et Industriel (ATI) de Haren, propriété d'André Bauwens. En Belgique, Bauwens était agent de l'usine britannique Auster.

L'aéroport fut officiellement inauguré le dimanche 18 août 1946. Le ministre des Transports Ernest Rongvaux arriva à 15 heures. Il fut accueilli, entre autres, par Albert Colpaert, secrétaire général du Comité national de l'aviation, et le fier président du club Pierre Bouchoms.

Photographie aérienne de l'aérodrome de Latour prise lors d'un meeting aérien. (Archives Patrice Dumont)

Le ministre a pris place à bord du Piper Super Cruiser OO-SCA de Cogea, avec le pilote Laurent aux commandes. Après la décollage Le vol d'investiture ministérielle a été précédé par le décollage d'un planeur du club et du club d'Esch-sur-Alzette. Il a été suivi d'un vol avec le Piper J3C-65/L-4J Cub OO-VIR, propriété exclusive de CAL depuis mai. Trois Tiger Moth de la section belge de la RAF ont surpris le public nombreux par une prouesse acrobatique. Peu après, le ministre Rongvaux, satisfait, est revenu de son tourisme Au-dessus de Virton et Châtillon. 92 autres participants ont effectué leur premier vol. Les organisateurs avaient demandé à la Direction de l'Aviation Civile si l'un des Ju-52 pouvait être utilisé à cette fin ; on ignore si cela a effectivement été fait. Le président de la CAL, Bouchoms, a exprimé le souhait d'une liaison aérienne régulière entre Virton et la capitale.

De gauche à droite : Charles André, Anatole Abinet et Paul Dumont des Ailes luxembourgoises devant un Tipsy Nipper. (Archives Patrice Dumont)

Et de fait, la compagnie aérienne Virton-Bruxelles fut inaugurée dès le 20 avril 1947. Officiellement, le premier vol régulier décollait le 23 avril (trois passagers à l'arrivée et six au départ). Des vols retour vers Bruxelles étaient prévus tous les mercredis. Il était également prévu d'organiser des vols le week-end afin que les Luxembourgeois puissent facilement passer un week-end dans la capitale belge, ou que les Bruxellois puissent survoler la magnifique campagne autour de Latour. Les vols du mercredi étaient particulièrement intéressants pour les hommes d'affaires souhaitant se rendre à la foire commerciale de Bruxelles. C'est John Mahieu, pilote et PDG de la compagnie aérienne qui portait son nom, qui organisait des vols avec Avro Ansons.

Le treuil de lancement d'un des pilotes de Latour. (Archives des Amis du Patrimoine Latour)

Les rapports de fermetures temporaires d'aérodromes étaient trop fréquents. Par exemple, L'Avenir du Luxembourg rapportait le 14 juillet 1947 que l'aérodrome avait rouvert après une brève fermeture. Ce mois-là, les cadets et les seniors des Cadets de l'Air belges (anciennement connus sous le nom de Scouts de l'Air belges) organisèrent un camp d'été à Latour, dirigé par Gérard Trémérie, pilote de la Sabena et membre du Comité national de propagande aérienne. Les garçons ne se limitèrent pas aux modèles réduits d'avions ; ils furent également autorisés à piloter le Piper Cub OO-GEG. Cet avion leur avait été offert par le Comité en récompense de leurs efforts en juillet de la même année, lors du troisième meeting aérien. Durant ce camp d'aviation, les garçons commencèrent également à préparer leur participation au prochain meeting de Latour.

Paul Dumont, secrétaire des Ailes luxembourgeoises et l'un des instigateurs des bâtiments en briques de l'aéroport de Latour, qui appartenaient aux Chemins de fer belges. (Archives Patrice Dumont)

Un meeting aérien belgo-franco-luxembourgeois eut lieu le 27 juillet 1947. Les cadets de l'air furent autorisés à présenter le programme avec leurs modèles réduits d'avions. Des démonstrations suivirent, avec notamment un Piper Super Cruiser de Cogea, un Auster Arrow piloté par le « doyen de l'aviation belge » Albert Van Cotthem, un Tipsy Belfair, et bien d'autres. Le Club luxembourgeois d'Esch-sur-Alzette fit des démonstrations de planeurs. Des acrobaties suivirent, avec des Tiger Moth militaires pilotés par le capitaine Van Tichelen, le lieutenant Desmedt et le lieutenant Van Leerbergen. L'armée envoya également un Percival Proctor. Les démonstrations de parachutistes furent également très admirées du public.

Des avions britanniques volaient régulièrement vers Latour pour lâcher des pigeons voyageurs et un DC-3 effectuait occasionnellement son vol inaugural.

Les années 1950, les problèmes financiers

En principe, l'aérodrome était réservé aux pilotes belges, et le transport de marchandises y était interdit sans l'accord préalable des douanes. Pour les événements internationaux, une autorisation devait également être demandée au ministère de la Défense.

Plusieurs réunions furent organisées dans les années 1950. Les bénéfices étaient destinés à soutenir financièrement le club, déjà en proie à des pertes importantes. Le mauvais temps perturba plusieurs réunions, et le club se retrouva confronté à des difficultés financières croissantes. Le club commença également à promouvoir l'aviation dans d'autres villages, comme à Tintigny le 4 septembre 1954.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1954, une tempête endommagea un hangar à avions contenant un planeur. Une poutre en bois s'abattit sur le fuselage du planeur. À la fin des années 1950, des baptêmes de l'air furent organisés le week-end pour récolter des fonds. Le pilote Anatole Abinet, originaire de Cenois-Virton (président de l'association « Les Ailes luxembourgeoises » de 1962 à 1964), tenta de coordonner cette activité.

Nous ignorons la date officielle de fondation des « Ailes luxembourgeoises asbl » (LAL), mais nous avons d'abord trouvé l'aéroclub dans les annexes du Moniteur belge du 30 août 1958. Confronté à des difficultés financières, le Club Aéronautique Luxembourgeois (CAL) fut dissous et les Ailes luxembourgeoises (LAL) en reprirent les activités à partir de 1959. Le vol à voile (avec décollage par treuil) fut désormais également inscrit dans les statuts. En pratique, le parachutisme était également proposé à l'aérodrome de Latour. Le siège social de cette asbl se trouvait au bar de l'aérodrome. Son premier président fut Pierre Blauen, un commerçant arlonnais.

Cachet de 'Les Ailes luxembourgeoises'. (Archives Patrice Dumont)

Le 15 décembre 1958, à 14 h 35 (heure locale), le Piper Tri-Pacer D-EFYV, avec seul le pilote à bord, décolle de l'aéroport de Stuttgart à destination du Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg). En évitant les formations nuageuses, le pilote a dû perdre le nord. L'appareil a effectué plusieurs cercles près de Halanzy (Aubange, province de Luxembourg). Ne parvenant toujours pas à localiser sa position et compte tenu de l'heure tardive, le pilote a décidé d'atterrir. L'atterrissage, vers 16 h 15, à Musson, près de Virton, s'est déroulé sans problème. Peu après, M. Toussaint, qui habitait à proximité, est arrivé sur le lieu d'atterrissage. Il a signalé la présence de l'aérodrome de Virton-Latour à cinq kilomètres (en réalité dix kilomètres) et a proposé de lui indiquer le chemin si le pilote acceptait de le prendre. Lors de la tentative de décollage, l'avion a d'abord roulé sur un terrain relativement dur. Le pilote s'est alors rendu compte qu'il ne pouvait pas franchir une ligne électrique et a interrompu son approche, heurtant un sol meuble où le train avant s'est enfoncé et s'est brisé. Le Tri-Pacer s'est retourné et s'est immobilisé sur le dos. Les deux occupants s'en sont sortis indemnes.

Le de Havilland DH.82A Tiger Moth OO-EVF du Centre national de vol à voile (CNVV) s'est écrasé le 28 novembre 1959 à Bleid (Virton). L'appareil avait décollé de Virton-Latour. À basse altitude, il n'a pas réussi à sortir d'un fossé et s'est écrasé dans une prairie. Il a pris feu. Le pilote a été tué et le passager grièvement blessé.

Les années soixante, des rencontres séduisantes

Le SV-4B OO-ATO de Stampe & Vertongen s'est écrasé le 5 juin 1960 vers 13h40 lors d'un atterrissage d'urgence à Saint-Mard, près de Virton. L'appareil remorquait un panneau publicitaire et est tombé en panne de carburant. Le SV-4B avait décollé de Grimbergen vers 9h30 et devait atterrir à Virton-Latour après plusieurs escales. Le pilote a été grièvement blessé.

L'Auster AOP Mk.6 OO-FDF fut frappé par la foudre le 27 mai 1962 et s'écrasa à Bleid-Saint-Rémy, près de Virton. Les trois occupants, deux hommes et une femme, furent tués. Ils effectuaient la liaison entre Spa et l'aérodrome de Latour.

Plusieurs appareils ont trouvé refuge à Latour. Le Piper J3C-65/L-4J Cub OO-AVL a volé pour le club du 24 décembre 1958 au 18 janvier 1961, avant d'être repris par Collin de Virton. Le Piper J3C-65/L-4J Cub OO-ONT a rejoint le club le 18 mars 1960. Le 2 août 1964, vers 15 heures, l'appareil s'est écrasé alors qu'il larguait un ballon de football au-dessus d'un terrain de football fraîchement inauguré à Louftémont, à 25 km au nord de Latour. Après le largage à basse altitude, le pilote a tenté un second survol, mais les choses ont mal tourné. Le Piper Cub s'est écrasé et a été complètement détruit. Les deux occupants ont été blessés, dont l'un grièvement.

De nombreux particuliers ont basé leurs avions de tourisme à Latour. Louis Gillardin, futur président de LAL, a immatriculé le Nord NC.858S OO-MUT à son nom le 24 septembre 1965. À partir du 8 décembre 1970, l'avion a été immatriculé au nom des Ailes Luxembourgeoises et a été vendu en 1974.

SZD-22C Mucha Standard OO-ZSW à l'aérodrome de Latour. L'appareil a été immatriculé au registre belge le 13 septembre 1960. Il était enregistré au Centre national de vol à voile (CNVV) asbl, basé à Virton-Latour. (Archives Patrice Dumont)

Dans les années 1960, les responsables enthousiastes de l'aéroport, parmi lesquels Paul Dumont, Jean Culot, Jean-Marie Frerotte et Louis Gillardin, organisaient également un rassemblement aéronautique quasi annuel. On y discutait de tout ce qui touchait à l'aviation : cours de parachutisme, projets de bricolage d'avions légers, promotion d'une carrière à la Sabena, etc. Les Diables Rouges, entre autres, effectuaient des démonstrations, d'abord avec des Hawker Hunters, puis à partir de 1965 avec des Fouga Magister. C'est également ici, à Latour, que le Club des Parachutistes Luxembourgeois (CPL), fondé en 1965, effectua ses premiers sauts. Des campagnes de promotion aéronautique régionale furent également lancées dans des villes comme Bastogne (1962) et Arlon-Stockem (6 juin 1965). L'enthousiasme pour l'aviation était palpable.

Par exemple, lors de la réunion du 29 mai 1966, des parachutistes de Spa, de France, et des États-Unis ont fait des démonstrations. Le major Marette de la Force aérienne belge a fait une démonstration du F-84F, et le lieutenant Christiaens a réalisé des acrobaties avec un SV-4. Un Canberra de la RAF a survolé la zone, et André Litt (Royal Verviers Aviation) a fait une démonstration du planeur SZD-9 Bocian.

Jusqu'en 1967, la 1re Escadre de l'ARC de Marville participait également aux opérations avec des chasseurs CF-104 Starfighter de Canadair. Les Canadiens connaissaient bien la région, car les familles des pilotes y résidaient généralement. Plusieurs monuments commémoratifs rappellent leur présence (voir les mots-clés Florenville et Virton de la base de données patrimoniale).

Des milliers de spectateurs ont suivi la réunion du 4 au 7 mai 1967. Ils ont assisté au vol du commandant Dupont sur un F-84F, aux acrobaties du commandant Feyten et du lieutenant Christiaens sur un SV-4, au capitaine Jacobs sur un F-104G, au Super Mystère B-2 de la base aérienne française de Cambrai, et aux Diables Rouges avec le Fouga Magister.

Livret-programme du meeting aérien de septembre 1969. (Archives Patrice Dumont)
Un parachutiste spadois lors d'un meeting aérien. (Archives Patrice Dumont)
Fouga Magister des Diables Rouges à basse altitude au-dessus de la piste de Latour. (Archives Patrice Dumont)

En 1969, l'aérodrome fut fermé pendant plusieurs mois, principalement en raison de travaux de construction dans la zone industrielle. Des engins de chantier l'empruntèrent et perturbèrent souvent le trafic aérien. Du 10 au 14 septembre 1969 se déroulèrent avec succès les « Journées de l'Espace ». Pas moins de 32 parachutistes de six pays participèrent à la compétition. Le programme était particulièrement riche en avions militaires, ainsi qu'en démonstrations du Mignet Pou-du-Ciel. Un Marchetti d'Aviation Spare Parts Europe (ASPE), distributeur de Marchetti en Belgique, était piloté par Michel Jacob de Beucken. La participation de Nicole Waucquez fut également remarquable (lire son article sur Waucquez). www.hangarflying.eu/2009/11/nicole-waucquez-un-parcours-prestigieux-ponctue-de-premieres/ Elle pilotait un SV-4C, accompagnée de l'instructeur parachutiste Roland Collignon. Le duo se surnommait « Les Roni ». Malgré des programmes impressionnants, il est frappant de constater le peu d'attention que la presse aéronautique belge accordait à Virton-Latour.

SAN D140R Abeille OO-VVL lors d'un meeting aérien organisé dans les hangars de Latour. Cet avion, appartenant à l'Aéro Club du Hainaut asbl, basé à Casteau, a probablement servi d'avion remorqueur lors d'une réunion à l'aérodrome de Latour. (Archives Patrice Dumont)

Les années 1970 et la fin de Virton-Latour

Le 9 juillet 1970, Louis Gillardin, président des Ailes Luxembourgeoises, lança un appel aux subventions, pourtant indispensables. Les travaux sur la zone industrielle voisine avaient porté préjudice à l'aéroport et au club. Néanmoins, le club avait réussi à convaincre la direction d'IDELUX (Intercommunale pour le Développement Économique durable de la province de Luxembourg) des avantages d'une piste à proximité des entreprises et d'une poursuite limitée de l'exploitation. Suite à ces travaux, le club avait dû procéder à de nombreuses réparations, et il était évident que de nombreux bénévoles étaient nécessaires au maintien de l'aéroport. Louis écrit : « Suite aux travaux, nous avons dû réparer les trous creusés dans la piste par le passage des camions ; semer 60 kilos de gazon ; réparer 14 balises métalliques ; installer 120 dalles de béton pour délimiter la piste ; utiliser 80 kilos de peinture pour repeindre le hangar, les balises, la camionnette et le tracteur, que nous avons dû réparer car il avait besoin d'être tondu. Nous avons dû louer une remorque pour servir de bureau de contrôle ; nous avons dû compléter notre équipement de signalisation et de sécurité ; nous avons dû nous conformer aux documents exigés par l'Administration de l'aviation et assurer le bon fonctionnement de l'aérodrome. Tout cela sans aucun revenu ni aide d'aucune sorte. » C'était la demande du président pour une généreuse subvention gouvernementale pour le club.

Le Wassmer D120A Paris-Nice OO-MOI est le dernier né des Ailes luxembourgeoises asbl le 17 novembre 1970. Le 17 septembre 1975, le club vend le Wassmer à Western Aviation Company SA à Amougies.

Le Breguet 905S Fauvette OO-ZIY fut immatriculé auprès de l'asbl Les Ailes luxembourgeoises le 17 novembre 1970, et le Breguet 905S Fauvette OO-ZTZ le 24 février 1971. Ces planeurs étaient principalement utilisés par le Cercle luxembourgeois de Vol à Voile (CLVV) du Grand-Duché de Luxembourg sur l'aérodrome de Latour. Le 9 septembre 1973, le CLVV les retira de l'aérodrome. Le 6 novembre 1973, ils furent radiés du registre belge des aéronefs. Leur radiation de l'aérodrome de Latour était probablement due à la fermeture imminente de l'aérodrome. De plus, le type Fauvette était interdit de vol, ce qui justifiait leur immobilisation au sol. Hormis les deux Fauvettes mentionnées précédemment, aucun planeur n'a jamais été officiellement immatriculé auprès de l'asbl Les Ailes luxembourgeoises. Le club utilisait du matériel provenant du CLVV, du Centre National de Vol à Voile (CNVV) belge ou de propriétaires privés.

Le Cessna FA150K Aerobat OO-WIB à Latour. (Photo Guy Viselé, 29 mai 1977)
Le Cessna FRA150K Aerobat OO-WIV à Latour. (Photo Guy Viselé, 29 mai 1977)

Le Morane Saulnier MS880B Rallye Club OO-KTJ a été immatriculé au nom de Les Ailes luxembougeoises asbl du 27 avril 1971 au 29 juin 1975, après quoi l'appareil a été transféré à Western Aviation Company SA à Amougies.

Le Cessna FRA150K OO-WIV de Reims était immatriculé au nom des Ailes Luxembourgeoises depuis le 4 septembre 1972. Le 27 juin 1990, il fut vendu à un propriétaire de Saint-Hubert. Il s'agissait probablement du dernier appareil exploité par les Ailes Luxembourgeoises. La question se pose toujours de savoir si les activités du club ont continué sur un autre aérodrome, pendant une courte ou une plus longue période après la fermeture de celui-ci.

La Publication d'Information Aéronautique (AIP) de 1972 décrivait une piste asphaltée 09/27 de 800 mètres de long et 45 mètres de large pour Virton-Latour. L'autorisation de l'exploitant, Les Ailes Luxembourgeoises, était requise avant d'utiliser l'aérodrome. Les planeurs, les avions à moteur et les parachutistes y étaient encore les bienvenus dans les années 1970. En principe, l'aérodrome n'était ouvert que le week-end ; les autres jours étaient possibles sur demande.

Le 24 mai 1972, après une reconnaissance de l'aérodrome par le chef pilote François de la Direction de l'aviation civile, un rapport plutôt positif fut publié. L'aérodrome était relativement bien nivelé. La masse maximale opérationnelle était de 5 700 kilogrammes, ce qui fut testé avec succès ce jour-là par un Short Skyvan de 5 670 kilogrammes, sous la pluie. La longueur de la piste était alors de 580 mètres. Le 4 juin 1972, une autre compétition de vol eut lieu sur l'aérodrome.

Essai du Short SC.7 Skyvan G-AXPT en 1972. Il s'agissait de l'avion de démonstration de Short ; l'armée de l'air omanaise a commencé à l'utiliser en 1974. L'homme portant le gilet de pilote (à droite) est Louis Gillardin. (Archives Patrice Dumont)
Essais de décollage du Short Skyvan sur l'aérodrome de Virton-Latour. À gauche, les deux hangars et, derrière eux, le bâtiment en bois abritant le bar et les bureaux. (Archives Patrice Dumont)

Air Gaume sprl a été fondée à Virton le 23 mars 1973 par Louis Michat, Aimé Leclère (Air Taxi Gaumais), Jean-Claude Lefèvre, Jean-Louis Ska et Jean-Claude Micha. Le siège social de la société était situé sur l'aérodrome de Latour. Leur mission couvrait un large éventail d'activités, de la formation à la vente d'avions. Aucun avion n'a jamais été immatriculé à leur nom. Air Gaume a brièvement participé à l'exploitation de l'aérodrome dans les années 1970.

Le 10er octobre 1973 wUn projet de création d'un aérodrome moderne sur le nouveau parc industriel de Latour a été proposé, dont le coût est estimé à 77 millions de francs belges. Ce projet devait s'implanter sur un terrain appartenant à la société intercommunale IDELUX. Cet aérodrome privé serait doté d'une piste en béton (1 200 x 35 mètres), d'une aérogare, d'un bar-restaurant et de hangars. Il conviendrait à l'aviation de loisir et d'affaires. Le public cible était principalement les entrepreneurs des entreprises implantées dans le nouveau parc industriel de Latour et celui d'Arlon. L'objectif était de rendre l'aérodrome rapidement opérationnel en confiant l'exploitation à Les Ailes Luxembourgeoises. Un terrain de cinq hectares à proximité de l'aérodrome était réservé aux activités liées à l'aviation.

Après la démolition de plusieurs bâtiments en briques, les occupants ont emménagé dans ce bâtiment en bois. Les hangars sont également visibles à l'arrière-plan. (Archives Patrice Dumont)

En 1973 (jusqu'en octobre), le LAL comptait encore une cinquantaine de membres, cinq avions à moteur et cinq planeurs. Trois instructeurs formaient une trentaine d'élèves. Cette année-là, le club a enregistré 1 500 vols locaux et 1 000 heures de vol.

En octobre 1974, l'Autorité de l'Aviation Civile informa Louis Gillardin qu'une zone de sécurité plus vaste était nécessaire autour de l'aérodrome et que les bâtiments de la nouvelle zone industrielle ne devraient pas dépasser une hauteur de dix mètres. Cela a certainement posé un problème pour le complexe industriel.

Le crash de Louis Gillardin, aux commandes du Grumman American AA-5 Traveler OO-AVT des Ailes Luxembourgeoises, a projeté une ombre sur l'aérodrome. L'appareil s'est écrasé le 9 décembre 1974, vers 16 heures, à Torgny, dans la forêt de Guéville, au lieu-dit « Les Aisements ». Les quatre occupants ont été tués. Vers 15 h 30, le Traveler avait décollé de l'aérodrome de Latour pour un vol local.

Des étudiants visitent l'aéroport de Latour dans les années 1970. (Archives Patrice Dumont)
Étudiants dans l'un des hangars à avions de Latour. (Archives Patrice Dumont)

Malgré les problèmes de la zone industrielle, l'aéroport est resté en activité, comme en témoigne le nombre de mouvements d'avions : 2 688 en 1975, 2 470 en 1976 et 3 678 en 1977.

Le Cessna FA150K OO-WIB de Reims était immatriculé auprès de l'asbl Les Ailes Luxembourgeoises depuis le 29 octobre 1971. Le 6 juillet 1975, la jambe d'atterrissage droite a été gravement endommagée lors d'un atterrissage à Latour. En 2025, l'appareil vole toujours en Pologne.

En 1975 encore, le Cessna F172H OO-SIW de Reims fut immatriculé pendant plusieurs mois au nom de Les Ailes luxembourgeoises asbl, soit du 14 avril 1975 au 20 octobre 1975. Cet avion fut ensuite également transféré à la Western Aviation Company à Amougies.

Parmi les autres appareils aperçus à Virton-Latour au fil des ans, on compte le SZD-22C Mucha Standard OO-ZSW du Centre national de vol à voile (CNVV) asbl (1960-1965), le Stits SA-6B Flut-R-Bug OO-ACU (1961), l'Auster AOP Mk.6 OO-FDL de la Fédération des Clubs belges d'Aviation asbl (1958-1971), le SZD-8ter-ZO Jaskolka OO-ZUX (1972-1973) et le Sportavia RF-4D OO-JLB (1981). Ce dernier a endommagé son hélice les 13 septembre et 25 décembre 1977, lorsqu'il a percuté le sol suite à l'atterrissage d'une roue dans une fosse de l'aérodrome de Latour. Il est probable qu'il y avait également un Schleicher Rhönlerche biplace actif pour la formation des pilotes.

Air Taxi Gaumais sprl était une société fondée à Tintigny le 28 septembre 1979 par Aimé Leclère et Léon Chalon. Deux appareils ont été détenus temporairement par Léon Chalon ou sa société : le Grumman American AA-5 Traveler OO-ALR (du 25 avril 1975 au 29 octobre 1979) et le Gulfstream American GA-7 Cougar OO-LCR (du 26 octobre 1979 au 23 août 1985) basés à Virton-Latour. Air Taxi Gaumais a été dissoute le 24 décembre 1988.

En septembre 1979, l'Autorité de l'Aviation Civile fut informée par l'Intercommunale IDELUX qu'une partie du terrain sur lequel devait s'implanter le nouvel aéroport de Virton-Latour avait été vendue à la société Mobil Plastics Europe Incorporation, qui souhaitait y implanter une usine. Il était clair que la partie restante ne serait plus adaptée à un aéroport.

17 mai 1979. Salle de réunion/bar préfabriqué de Latour. À l'arrière-plan, le chantier de la zone industrielle. (Archives Patrice Dumont)

En avril 1980, le projet de nouvel aéroport (proposé en octobre 1973) reçut l'approbation technique des autorités aéronautiques compétentes. Cependant, l'accord était soumis à de nombreuses conditions. Par exemple, les lignes électriques aériennes devaient être déplacées ou enterrées, un bâtiment prévu sous la surface d'approche ou de décollage de la piste devait être déplacé, la circulation liée aux travaux devait être interdite pendant les opérations aéroportuaires, etc. Toutes ces conditions, et vraisemblablement aussi la situation financière, conduisirent à l'abandon complet du projet de nouvel aéroport au profit des industriels qui y avaient investi.

En raison de travaux à proximité immédiate de la piste, l'aéroport ne répondait plus aux exigences minimales de sécurité fixées par le gouvernement pour les aéroports privés. Le gouvernement a suspendu la licence d'exploitation. Le 12 janvier 1981, le NOTAM de classe 1 mentionnait : « Aérodrome privé Virton-Latour définitivement fermé (AIP Belgique-Luxembourg AGA 3-5). »

Photographie aérienne de l'aérodrome, 1971. La flèche rouge indique l'emplacement des deux hangars métalliques pour avions. (Patrice Dumont - Archives SNCB)
Emplacement approximatif (jaune) de l'ancien aérodrome de Latour. Le cercle rouge indique l'emplacement du hangar actuel. (Google Maps, 2025)

Le dernier aéronef immatriculé à Virton était le Fournier RF-4D OO-JLB de Jean-Claude Lefèvre, immatriculé le 23 février 1981. Il était également actionnaire d'Air Gaume sprl. Trois mois plus tard, ce motoplaneur était vendu et immatriculé au nom de Jan Peeters. Jan Peeters nous a raconté il y a quelques années qu'il avait récupéré l'appareil à Virton et l'avait piloté jusqu'à sa base d'attache après la fermeture de Virton.

Patrice Dumont : « J’ai encore ces deux vieilles balises qui servaient à baliser le parcours. Je me souviens d’aller régulièrement sur la piste avec mon père pour les remettre en place. La plus grande mesure 1 mètre de long, 50 cm de large et 35 cm de haut. La plus petite mesure 75 cm de long. » (Photo Patrice Dumont, 11 août 2025)

Un sentier partant de Chenois, longeant les étangs et les talus aménagés pour la voie ferrée à voie unique, menait à l'aérodrome. Ce sentier est aujourd'hui un RAVeL (Réseau Autonome de Voies Lentes), un itinéraire à circulation lente qui offre une belle façon de découvrir les environs de l'ancien aérodrome. La route de désenclavement entre Musson et Virton, qui mène à la papeterie de Burgo Ardennes (N811), passe également en partie sur l'ancien aérodrome.

L'un des deux hangars à avions se dresse toujours sur le site de l'ancien aérodrome. Le deuxième hangar et le club-house en bois ont vraisemblablement été vendus après la fermeture de l'aérodrome. (Photo : Frans Van Humbeek, 16 juillet 2025)

Merci

Je dois une profonde gratitude à Patrice Dumont, président de l'ASBL Les Amis du Patrimoine Latourois. Son père, Paul « Pol » Dumont, originaire de Foy-Noville, près de Bastogne, fut nommé instituteur en 1957 à Chenois, village qui faisait partie de la commune de Latour avant la fusion de 1977. Pol fut toujours très actif dans son village : il organisait des fêtes, dirigeait la troupe de théâtre et l'aéroclub LAL. Il obtint son brevet de pilote et fut ainsi un acteur majeur du développement de l'aérodrome.

Annie Gillardin (Les Amis du Patrimoine Latourois ASBL)

Luc Wittemans, Kevin Cleynhens, Guy Viselé

Sources

Vers L'Avenir, L'Avenir du Luxembourg, Le Peuple, La Dernière Heure, La Libre Belgique, Le Soir, La Meuse, Gazet van Mechelen, Belgisch Staatsblad, Direction générale de l'aviation, archives propres.

Pistes vers la victoire. Aérodromes belges et opérations de chasse tactique alliées 1944-1945. Peter Celis, Marhav, Luxembourg, 2003.

Photo de Frans Van Humbeek

Frans Van Humbeek

Frans est rédacteur en chef de Hangar Flying. Journaliste aéronautique indépendant, il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'aviation. Il s'efforce d'aborder presque toutes les facettes de l'aviation belge, mais sa passion réside principalement dans le patrimoine aéronautique et l'histoire des aérodromes belges. Au sein de la rédaction de Hangar Flying, il met également à jour www.aviationheritage.eu.