Poncelet: un métier, une passion!

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Evère, 26 novembre 2008. Poncelet : un nom réputé depuis près de 90 ans dans le milieu aéronautique belge, mais également, et phénomène moins connu, dans le monde des sports nautiques en Belgique et surtout à l’étranger. Nous nous sommes rendus aux Ets Poncelet et y avons interviewé son patron actuel, Roger Poncelet.

Roger Poncelet commente, avec fierté, l’album des Ets Poncelet.

Paul Poncelet, inventeur et entrepreneur
Paul Poncelet, le fondateur de l’entreprise, est né en 1891. Diplômé des Arts et Métiers en tant que modeleur (spécialiste du travail du bois) à 17 ans, il s’est intéressé d’emblée à l’aviation qui en était à ses premiers balbutiements en 1908… Appliquant son savoir-faire en modelage du bois, il déposa un premier  brevet d’invention en 1911 concernant une hélice tripale destinée autant aux aéroplanes, et époque oblige, qu’aux ballons dirigeables. On verra, ultérieurement, que cette première invention n’était pas anodine et même résolument prémonitoire ! Durant la guerre de 14-18, Paul Poncelet servit à l’aviation militaire et fut de l’épopée de l’escadrille d’hydravions du Tanganyka qui, en 1916, « bouta l’Allemand hors d’Afrique Orientale ». Revenu en Europe, il servit à Calais-Beaumarais au sein de l’établissement technique de l’aéronautique, aux ordres du Commandant Georges Nélis. Ce dernier, une fois la paix revenue, fonda dès 1920 le précurseur de la SABENA, c’est-à-dire le SNETA (Syndicat National pour l’Etude du Transport Aérien) simultanément à la SABCA (Société Anonyme Belge de Construction Aéronautique) et sollicita logiquement la collaboration de Paul Poncelet dont les compétences étaient d’ores et déjà bien établies.

Gros plan sur les skis nautiques fabriqués aux Ets Poncelet.

Le début des années 20 vit un engouement considérable et nouveau pour le vol à voile et les aviettes (et moto-aviettes lorsqu’on les motorisait). SABCA fut l’un des premiers constructeurs à s’engager dans ce vaste mouvement européen, essentiellement du fait de Paul Poncelet. Celui-ci développa en effet une aviette monoplace et monoplan avec aile en porte-à-faux, démontrant ainsi  brillamment son savoir-faire constructif solide et léger, à l’époque où la construction d’avions biplans était encore plus proche du cerf-volant que de l’engin aérodynamique… Baptisé « Castar », cet appareil remporta, aux mains de Victor Simonet, un grand succès et plusieurs trophées au 2ème congrès de vol à voile à Vauville dans le Cotentin. Deux ans plus tard, Paul Poncelet récidivait en construisant, toujours à la SABCA, la « Vivette » qui était en quelque sorte une extrapolation biplace du « Castar ». Les deux aviettes participèrent au 3ème congrès de Vauville en 1925 et battirent chacune des records mondiaux de durée. Hélas, une rupture de câble de commande du « Castar » après 7 heures de vol engendra la chute du planeur et la mort de son infortuné pilote Victor Simonet. Au même moment, le Commandant Albert Massaux, à bord de la « Vivette », battit le record du monde de durée en tenant l’air 10 heures 20 minutes. En matière de records de vol à voile en Belgique, celui-ci ne fut battu qu’en 1961 ! La « Vivette » existe toujours actuellement et est exposée au Musée de l’Air de Bruxelles après avoir été restaurées en 1995 (à l’occasion des 75 ans de la SABCA) par Roger Poncelet, le petit-fils de Paul.

Roger Poncelet devant les gabarits d’hélices : le fonds de commerce des Ets Poncelet depuis le premier jour de leur existence.

Paul Poncelet se distingua encore en participant étroitement à la construction de plusieurs avionnettes, dont le monoplan « DP Cyrano » conduite intérieure en 1924 (qui remporta plusieurs compétitions dans sa catégorie à Vauville en 1925), l’avionnette SBHP (qui fut ensuite transformée en « San Cannio ») et surtout le Poncelet Mono (monoplace monoplan), un authentique petit bolide qui accomplit quelques belles performances lors du concours international d’avions légers organisé par l’Aéro-Club de Belgique en 1927 avant de se briser lors d’un atterrissage brutal suite à une panne de moteur.
Mais Paul Poncelet avait la rage d’entreprendre jusqu’au point de fonder sa propre entreprise à la date du 1er janvier 1933. Il se consacra essentiellement à la fabrication d’hélices, son grand savoir-faire en la matière étant unanimement reconnu. Il façonna aussi diverses pièces en bois pour ses confrères constructeurs de l’époque : Jef Guldentops, ancien collègue de la SABCA ayant également fondé son entreprise, de même qu’Alfred Renard, le célèbre constructeur belge.

Gros plan sur les nervures destinées aux ailes de la réplique du Renard R 31 réalisée par le Musée de l’Air de Bruxelles.

Albert Poncelet, la deuxième génération
Albert Poncelet, fils aîné de Paul, le seconda alors qu’il était âgé de 25 ans pour redémarrer l’entreprise et fabriquer essentiellement des hélices pour les Stampe & Vertongen SV-4B commandés par la jeune Force Aérienne et qui étaient construits aux Ets Stampe & Renard sis à l’avenue Bordet à Evère, à une portée d’arbalète des Ets Poncelet. Albert s’avérera bientôt également être un inventeur en développant des hélices et des systèmes de ventilation industrielle et même des sièges de cinéma et des skis nautiques en 1948 et 1949 !

Prête pour la couche finale de vernis, une hélice destinée à un Bücker Jungmeister qui volera bientôt en France.

Paul Poncelet partit à la retraite en 1953 et Albert prit dès lors les rênes de l’entreprise et lança un nouveau volet d’activité qui contribuera fortement à la renommée des Ets Poncelet : la fabrication de canoës bientôt complétée par celle de bateaux de loisirs rapides. Mais si Albert Poncelet avait de grandes affinités avec les sports nautiques, il n’en avait pas moins pour l’aviation et demeura jusqu’au bout un vélivole assidu. La fermeture des ateliers Stampe & Renard et la fin des SV-4B à la Force Aérienne à la fin des années 60 amenèrent un net déclin dans la fabrication des hélices, noyau dur des affaires des Ets Poncelet, mais cette baisse fut compensée par un net accroissement des productions nautiques. Celle-ci déclinèrent à leur tour à la fin des années 70 mais Albert Poncelet, rejoint entre-temps par son fils Roger, entama l’étude et la fabrication d’éoliennes un peu par dilettantisme : après tout, les éoliennes ne sont jamais que de grandes hélices… Plusieurs furent construites, la plus formidable à tous points de vue étant celle commandée par l’AGCD (Administration Générale de la Coopération et du Développement) pour les Iles du Cap Vert au large des côtes du Sénégal.
Par ailleurs, l’émergence et le succès fulgurant des ULM (Ultra Légers Motorisés) dès la fin des années 70 avait relancé la production d’hélices au sein des Ets Poncelet qui en fabriquèrent de 1.500 à 1.600 durant la grande époque des ULM courant de 1980 à 1990.
Albert Poncelet décéda inopinément en 1982 et sa veuve géra l’entreprise jusqu’au début de 1984.

Roger Poncelet au travail sur son PC couplé à sa machine à commande numérique.
La machine à commande numérique. Le moniteur se trouve à droite, au fond.

Roger Poncelet, le présent et le futur
Roger Poncelet reprit le flambeau de l’entreprise familiale en mars 1984 mais il était déjà rompu à ses activités, ayant assisté son père dès ses 16 ans. Il continua donc le travail mais lui aussi ne put s’empêcher d’innover et d’être un précurseur en complétant les activités des établissements par le courtage et l’installation de panneaux photovoltaïques dès 1994, dans la foulée de la fabrication des éoliennes qu’il avait inaugurée avec son père. Le point culminant en la matière fut la fabrication des éoliennes du Cap Vert avec des carénages en inox 316 et des pales en fibre de verre. Le montage in situ en 1992, pour le moins acrobatique, demeure un des temps forts de la vaste carrière de Roger Poncelet.

Le jeune volontaire apprenti Alexander Semino : il est étudiant et consacre son temps libre à aider, entre autres, à la confection des nervures destinées au futur Renard R 31 du Musée de l’Air.

Il poursuivit néanmoins la fabrication et la restauration de hors-bord de plaisance et de sport ainsi que d’hélices d’ULM pour les constructeurs Fulmar, Microbel et Chickinox de même, et entre autres, que de nervures pour les ULM fins et racés comme le Mistral produit par Aviasud, firme fondée et gérée par Bernard d’Otreppe, un autre nom connu et réputé dans les milieux de l’aviation sportive belge et française. Le savoir-faire manifeste de Roger Poncelet lui a permis de côtoyer de près le monde des ULM et d’en devenir une figure populaire, toutefois, l’avènement des hélices en plastique a réduit son volume de travail dans ce domaine. Dès lors, Roger Poncelet en fabrique toujours, mais sur mesure et à la cadence de plus ou moins une par mois, en ce compris la fabrication d’hélices pour des avions historiques. En l’occurrence, la plus grande qu’il ait fabriquée jusqu’ici est destinée au Potez 25 de l’Aéropostale restauré par le Musée de l’Air du Bourget. Il est allé la livrer lui-même début novembre 2008, non sans une certaine et bien légitime fierté.
L’entreprise a fait, en 2007, l’acquisition d’une machine à commande numérique travaillant en 2 dimensions et qui, par « chipotages autodidactes » (comme le dit Roger Poncelet avec beaucoup de modestie), travaille maintenant aussi en 3D avec une précision de l’ordre du dixième de millimètre !

Autre volet important des productions des Ets Poncelet, les bateaux de plaisance. Ce splendide hors-bord en bois moulé y est actuellement en réfection.

Le plan de charge des Ets Poncelet pour 2008 comprend la restauration des ailes du Blériot XI authentique, des ailes du Fieseler Storch ainsi que la fourniture de nervures d’aile pour le biplan Voisin-de Caters (exposé officiellement depuis le 28 novembre 2008) et pour la réplique du Renard 31 actuellement en construction, tous travaux effectués pour le compte du Musée de l’Air de Bruxelles. Viennent s’y ajouter la restauration de deux bateaux, la fabrication d’hélices pour avions anciens ou ULM et des travaux spéciaux, comme le façonnage de très grande précision de moules en bois destinés à l’usinage de matériaux composites.

La SABCA « Vivette » construite par Paul Poncelet et qui battit le record du monde de durée en planeur à Vauville en 1925 telle qu’elle est exposée actuellement au Musée de l’Air de Bruxelles après restauration intégrale en 1995 par les Ets Poncelet.

Les Poncelet, trois générations qui, de père en fils, ont su innover ainsi qu’entreprendre et travailler le bois jusqu’à la perfection : un savoir-faire inégalé couplé à la volonté irrépressible de produire de la belle ouvrage…

Jean-Pierre Decock
Photos: Paul Van Caesbroeck

www.ets-poncelet.com

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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