Le Mémorial Spitfire à Florennes

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Florennes, le 22 avril 2010. Nous sommes accueillis au Mémorial Spitfire/Musée Colonel Aviateur Raymond Lallemant par le Colonel (e.r.) André Dambly qui en est, en quelque sorte, le conservateur et le Colonel (e.r.) Xavier Janssens, l’instigateur du projet et le promoteur de la réalisation de cet ensemble muséal qui est l’un des mieux conçus parmi les nombreux musées et salles de traditions des bases et ex-bases aériennes belges.

Un musée conçu comme un écrin
C’est en 1986 que le projet prit vraiment tournure grâce à une équipe de volontaires dirigée par le Colonel Aviateur BEM Xavier Janssens, alors chef de corps du 2ème Wing de Florennes, qui entama la longue et ardue quête de sponsors pour financer le futur mémorial. D’entrée de jeu, cette construction fut conçue pour abriter le Spitfire MK XIV SG57/RL-D qui était posé sur un socle près du mess sous-officiers depuis 1952 et qui en fut enlevé dans ce but en 1986.

Pivot du mémorial, le Spitfire MK XIV superbement restauré par « Pépé » Delmotte et son équipe aux marques du premier chef de corps du 2ème Wing, le Major Aviateur Raymond « Cheval » Lallemant. Le diamant, emblème du wing, figure sous le pare-brise. A l’avant-plan, une caméra Vinten, puisque cette version était dite « recce » pour la reconnaissance photographique.

Le briefing circonstancié donné à l’architecte l’a amené à concevoir le nouveau bâtiment comme un écrin pour son illustre et légendaire locataire. Le centre du mémorial était donc un socle circulaire surmonté d’un dôme et flanqué de locaux ancillaires qui en formaient les coins. Ceux-ci abritent respectivement le comptoir d’information/boutique et la chaufferie, les commodités pour les visiteurs et le bureau, la salle de projection et le local servant de réserve.

Face au Spitfire MK XIV, le Colonel Aviateur (e.r.) André « Phil » Dambly, ancien chef de corps du 2ème Wing et actuel conservateur, et le Colonel Aviateur BEM (e.r.) Xavier Janssens, l’instigateur et le promoteur du projet en 1986 lorsqu’il était commandant de la base de Florennes.

Cette construction muséale extrêmement bien pensée fut inaugurée le 12 septembre 1992 avec tout le faste qui s’imposait et en présence des édiles associées à de telles circonstances mais, surtout, de celui auquel le mémorial est dédié, le Colonel Aviateur Raymond « Cheval » Lallemant, DFC (Distinguished Flying Cross) and bar qui fut le tout premier chef de corps de Florennes en 1947. Outre le Spitfire RL-D qui en était – et demeure – la pièce maîtresse, le mémorial présente de nombreux éléments historiques et panneaux récapitulatifs relatifs à la base construite par la Luftwaffe pour la chasse de nuit de 1942 à 1944 et occupée ensuite par la 9th Air Force américaine de fin 1944 à fin 1945. La curiosité du visiteur y est encore assouvie par des vitrines ou sections regorgeant d’objets, photographies, maquettes, emblèmes et autres éléments consacrés aux unités qui furent opérationnelles depuis Florennes, certaines comme les 1ère et 350ème escadrilles y étant encore actives de nos jours.

Moulage original en béton de l’emblème de la Nachtjagd (chasse de nuit) de la Luftwaffe rappelant les origines de l’aérodrome aménagé à partir de 1942 par les Allemands; celui-ci, représentant un aigle sur un éclair « foudroyant » la Grande-Bretagne, existait encore sur un ancien bâtiment de la base en 1975.
Tableau récapitulatif fort bien illustré et détaillé de la présence de la 9th Air Force américaine à Florennes en 1944 et 1945.

Très tôt après l’inauguration du Mémorial Spitfire/Colonel Aviateur R. Lallemant, se profila l’ambition de le développer afin d’y exposer les différents appareils de la Force Aérienne ayant opéré sur la base de 1947 à nos jours. L’envergure d’un tel projet nécessitait des infrastructures additionnelles. Le Colonel Aviateur BEM Xavier Janssens, entretemps retraité, reprit son bâton de pèlerin pour recruter à nouveau des sponsors et obtenir les appuis, les aides et les autorisations nécessaires à l’érection d’un hangar annexe destiné à accueillir les appareils anciens récupérés grâce à beaucoup d’efforts et souvent au prix d’une considérable énergie, comme par exemple le F-84E Thunderjet, un type d’appareil devenu très rare depuis les années soixante.

Cette « annexe », plus grande que le bâtiment initial, fut inaugurée par Monsieur Poncelet, Ministre de la défense, en présence du Colonel Aviateur Raymond Lallemant et du chef de corps de l’époque, le Colonel Aviateur Léon Stenuit, le 30 mai 1997. Pour la circonstance, le mémorial fut survolé par un Spitfire MK XVI piloté par Danny Cabooter et escorté de deux F-16A du 2ème Wing.

Spitfire RL-D : une restauration « nickel »
La pièce maîtresse du mémorial est incontestablement le Supermarine Spitfire Mark XIV, un avion devenu légendaire et qui équipa les escadrilles de chasse de la naissante Force Aérienne Belge devenue arme indépendante en 1946. Au total, 137 exemplaires du Spitfire MK XIV furent acquis par la Belgique entre avril 1947 et novembre 1950, dont deux furent perdus par accident lors du vol de convoyage, deux servirent d’appareils pour l’instruction à l’école technique et un ultime fut de suite acquis comme source de pièces de rechange. Ils reçurent l’immatriculation de type SG (pour Spitfire (à moteur Rolls-Royce) Griffon développant 2.050 CV) pour les distinguer des Spitfire MK IX utilisés par la Force Aérienne pour l’entraînement et désignés SM (à moteur Rolls-Royce Merlin de 1.660 CV).

On peut dire que le Spitfire MK XIV a de la gueule avec son hélice à cinq pales entraînée par un moteur Rolls-Royce Griffon de 2.050 CV.

Le SG57 du mémorial est en fait une version de reconnaissance munie de caméras placées à l’aplomb des petits hublots positionnés à l’arrière, de part et d’autre de l’habitacle. Il entama sa carrière en tant que RM921 à la Royal Air Force à l’automne de 1944 au sein des squadrons 2 et 414 (canadien). Après une brève carrière guerrière, il fut stocké à Lyneham en septembre 1945 avant d’aboutir au 2ème Wing en août 1948 où il servit d’abord à la 2ème escadrille (à l’emblème de la comète en tant qu’UR-N) et puis à la 3ème escadrille (à l’emblème de la feuille de houx comme YL-N). Une panne de moteur au décollage de RAF Gütersloh en Allemagne le 12 septembre 1951 lui fut fatale, conséquence habituelle de ce type d’incident redouté par tous les pilotes.

Retiré du service officiellement en novembre, il fut retapé pour être posé sur un socle face au mess sous-officiers de Florennes nouvellement construit en 1952. L’avion fut codé RL-D en hommage au premier chef de corps du 2ème Wing, le Major (à l’époque) Aviateur Raymond « Cheval » Lallemant. Selon la coutume héritée de la RAF, les officiers à partir du rang de group captain (lieutenant-colonel) disposaient de leur appareil personnel codé à leurs initiales. Pour le SG57, RL signifiait Raymond Lallemant, tandis que le D y figurait parce que « Cheval » Lallemant considérait que cette lettre lui portait chance et tous les chasseurs qu’il a pilotés durant la guerre, essentiellement au sein du célèbre squadron 609 où il accéda au statut d’as et en fut le 13ème squadron leader à l’automne 1944, portaient la lettre individuelle D en plus du squadron code. Il en fut ainsi également pour les Spitfire et Thunderjet qu’il pilota après-guerre. Le Spitfire MK XIV SG57, une fois installé sur son socle, subit les intempéries mais aussi les déprédations des chasseurs de souvenirs indélicats pendant près de trente ans. Il avait été dépouillé de tous ses instruments et un maraudeur n’avait pas hésité à scier le manche à balai pour l’emporter comme souvenir.

C’est pour ainsi dire à l’état d’épave qu’il fut enlevé de son piédestal en octobre 1986 afin de subir un profond chantier de rénovation sous la férule de l’Adjudant R. « Pépé » Delmotte secondé de plusieurs bénévoles. Une véritable chasse aux pièces manquantes fut lancée par tous ceux qui prenaient le projet à cœur et des résultats remarquables récompensèrent la ténacité, la patience et l’énergie qu’ils investirent dans ce travail de longue haleine.

Cette vue du cockpit du SG57 permet de réaliser le haut degré de restauration de l’avion au niveau de l’habitacle où l’on peut voir le manche à balai (bloqué par un triangle rouge), le collimateur, les instruments et même le pied de biche placé dans le portillon à utiliser par le pilote pour se dégager de l’appareil retourné sur le dos. A noter : le fanion de group captain (lieutenant-colonel) de la RAF peint sous le pare-brise.

Tel qu’il est exposé actuellement, le SG57 est quasiment à l’état neuf et il s’en faudrait même de peu pour le remettre en état de vol. Toutes les tubulures du moteur ont été réinstallées avec un moteur Rolls-Royce Griffon remis à neuf. Le collimateur complet a été offert par la firme le produisant pendant la guerre et il est arrivé à Florennes dans la caissette d’origine dans laquelle il était emballé depuis une quarantaine d’années! Les canons, absents de l’avion original, ont été remplacés par une paire d’armes opérationnelles venant d’Afrique du Sud. La firme Vinten a offert les caméras conformes à celles utilisées dans les années quarante. Un stick (le manche à balai surmonté d’une poignée circulaire) dans un état impeccable a été offert par un ancien pilote de Spitfire qui l’avait gardé dans son grenier pour en faire la tireuse d’une pompe à bière 100% aviateur! Ce pilote complaisant avait encore de la bonne toile de lin d’origine en quantité suffisante pour rentoiler les gouvernails de profondeur et de direction. Chacun des instruments du tableau de bord a son histoire bien à lui qu’il serait fastidieux de conter par le menu.

« Pépé » Delmotte a entièrement démonté l’appareil, sablé, remis du zinc chromate anti-corrosion sur chaque élément avant remontage et peinture finale. Il faut saluer tant de conscience professionnelle et d’authentique passion pour les avions chez lui autant que chez ses collaborateurs. L’Adjudant Delmotte était également moniteur de vol à voile chez les Cadets de l’Air jusque peu de temps avant son décès survenu le 15 avril 2010. Un vibrant hommage lui est rendu ici.

L’annexe aux trésors!
Le hangar destiné à abriter un exemplaire des avions ayant opéré au sein de la Force Aérienne Belge sur la plate-forme de Florennes a été inauguré au printemps 1997. Ce hall contient l’éventail pratiquement complet des appareils qui évoluèrent dans l’une ou l’autre escadrille du 2ème Wing depuis 1947 et tous sont présentés en superbe état et avec la reproduction historiquement scrupuleuse des marques et emblèmes d’unité.

Y figure bien sûr le Thunderjet, premier chasseur à réaction du 2ème Wing, mais aussi le non moins fameux Thunderstreak qui lui a succédé ainsi qu’un Mirage V BR de reconnaissance et même un F-16A qui put être exposé dès 1997 au mémorial pour autant qu’il puisse continuer, à l’époque, à servir à la formation des apprentis armuriers. On y trouve encore un véritable biplan école De Havilland DH 82a Tiger Moth prêté par la section air du Musée Royal de l’Armée et qui est repeint à l’identique de celui qui servit à la 2ème escadrille du 2ème Wing jusqu’à sa destruction par accident en décembre 1954. Un Fouga CM.170R complète cette belle ligne d’avions.

Republic F-84E Thunderjet aux couleurs et marques de la 1ère escadrille obtenu en Hollande au milieu des années 90 en échange d’une Alouette II; les bidons de bouts d’ailes furent “raflés” d’une façon peu élégante par le personnel d’une autre base.
Republic F-84F Thunderstreak frappé de la comète rouge de la 2ème escadrille avec un tracteur de piste d’époque, parfaitement restauré, à l’avant-plan.
AMD Mirage V BR à l’emblème du « Méphisto » de la 42ème escadrille; sous l’appareil, le bloc de réarmement rapide contenant les deux canons DEFA de 30 mm et à l’avant-plan, le châssis des caméras Vinten logées dans le nez de l’avion.
Le De Havilland DH82a Tiger Moth T-24/UR-! qui fit partie de la dotation de la 2ème escadrille jusqu’à son accident en décembre 1954. L’appareil exposé ici est prêté par la section air du Musée Royal de l’Armée et est en réalité l’OO-SOI de l’Ecole d’Aviation Civile revêtu de la livrée militaire initiale.

Plus surprenant, mais tout aussi intéressant, un ensemble de moteurs en parfait état enrichit la collection allant du Rolls-Royce Merlin XX (Spitfire MK IX) au Pratt & Whitney F100-PW-200 du F-16A en passant par le Wright J-65-W-3 du Thunderstreak et l’Atar 09C5 du Mirage V. Une réelle exclusivité pour tout le continent européen est encore présentée sous la forme d’un missile de croisière BGM-109 et son lanceur tels qu’ils équipèrent le 485th Tactical Missile Wing de la United States Air Force implanté à Florennes de 1984 à 1989. La panoplie des divers appareils mis en service à Florennes est donc bien étoffée mais ne sera vraiment totale que lorsque seront acquis un T-33 (le fameux Tee-bird), dont les premiers exemplaires furent versés au 2ème Wing en 1952, un Harvard (il y en a eu un par escadrille dès la constitution de celles-ci) et un Airspeed Oxford, le tout premier avion mis en ligne en octobre 1947 en attendant les Spitfire MK XIV et bientôt un drone B-Hunter, puisque la 80ème escadrille UAV vient de prendre ses quartiers à la base Jean Offenberg en avril 2010…

Missile de croisière BGM-109 et son lanceur tels que mis en œuvre par le 485th Tactical Missile Wing de l’USAF à Florennes de 1984 à 1989.
Le General Dynamics F-16A (FA-04) présent dans le hall annexe du Mémorial Spitfire depuis mai 1997.

Le Mémorial Spitfire/Colonel Aviateur Raymond Lallemant (décédé le 30 janvier 2008) est incontestablement un ensemble muséal unique en son genre et remarquablement conçu afin de mettre en valeur de nombreux trésors du patrimoine historique de l’aviation militaire belge. Une telle réalisation n’a été rendue possible que par l’enthousiasme qui soulève… les montagnes. Ce dont ont fait preuve ses plus ardents promoteurs : le Colonel Aviateur BEM (e.r.) Xavier Janssens, les Colonels Aviateurs Gilbert Mullenders, André Dambly, Léon Stenuit et de nombreux autres officiers et sous-officiers, au nom desquels nous citerons l’Adjudant R. « Pépé » Delmotte et Henri Wattier, conservateur adjoint depuis l’ouverture du mémorial jusqu’à son décès début 2008. Ils peuvent, légitimement, en être fiers!
Le Mémorial Spitfire de Florennes est ouvert du lundi au vendredi inclus de 13.30h à 16.30h. Entrée : adultes 3,50€ – enfants 1,00€.
Plus de détails et plan d’accès sur www.museespitfire-florennes.be

Textes et photos:  Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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