L’Airbus A330 de la Défense belge

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Québec, 12 octobre 2013. Le contrat de location de l’Airbus A330 de la Défense se termine en décembre 2013 et ne sera pas renouvellé. L’histoire de la location de l’Airbus A330 immatriculé CS-TMT à la compagnie portugaise HiFly remonte, en fait, à la fin des années 2000 alors que le 15ème Wing opère deux Airbus A310-222, équipés de moteurs Pratt & Whitney JT9D-7R4E1, dont les pannes régulières font régulièrement les manchettes des médias belge et agacent les responsables du ministère de la Défense. Le remplacement des deux avions est donc envisagé et une idée novatrice fait son chemin: il s’agit, non plus d’acquérir un ou plusieurs avions de transport par la Défense, mais bien de le ou les louer « sec » à une compagnie civile spécialisée. Les équipages, quant à eux, demeurent des militaires de la 21ème Escadrille.

Le CS-TMT dans ses couleurs complètes en avril 2010. (Photo Kevin Cleynhens)

Un contrat innovateur
Un appel à candidature est donc lancé en ce sens le 16 décembre 2008. Il y est stipulé que « le soumissionnaire aura la responsabilité de mettre à disposition de la Défense une capacité de l’ordre de 2.000 heures de vol par an au travers d’un avion gros-porteur hors équipage, avec un haut degré de fiabilité, tout en assurant la maintenance préventive et corrective ainsi que les services associés afin d’assurer une mise en oeuvre et une navigabilité dans les mêmes conditions que celles exigées par la réglementation civile applicable en Europe ». Par ailleurs, il est mentionné que seuls les types d’avions suivants seront considérés: Airbus A300, A310, A330 ou A340 et Boeing 767-200(ER) ou 767-300(ER). Au sujet des pilotes et du personnel de cabine, il est précisé que ceux-ci « seront mis à disposition par la Défense belge. Dans ce cadre, le soumissionnaire sera en mesure d’assurer leur conversion et les entraînements récurrents. Tout vol fera l’objet d’une information au soumissionnaire, avec un préavis d’au moins 24 heures. Vu ce qui précède, le soumissionnaire peut faire le choix de dédicacer un avion à la Défense belge ou de remplir ses obligations au travers d’un pool d’avions du même type (afin d’éviter tout retard dans la mise en oeuvre et/ou des frais de conversion des équipages de la Défense), répondant tous aux critères essentiels du futur cahier spécial des charges. La fiabilité du service se mesurera en termes de ponctualité au départ des vols et de disponibilité de(s) avion(s)». Enfin, on apprendra aussi que la valeur maximale du contrat est fixée à 12 millions d’euros par année.

Le 25 août 2009, le marché est attribué au courtier français Avico faisant office d’intermédiaire pour la compagnie portugaise HiFly qui propose la location d’un Airbus A330-300 à la Défense belge. Celui-ci est officiellement mis en service par la Défense belge le 19 novembre 2009. Il s’agit du plus gros aéronef jamais mis en œuvre par la Composante aérienne de toute son existence. Du fait de sa taille inhabituelle pour un appareil militaire belge, il est sympathiquement surnommé « Belgian Air Force One ». Sa décoration est semblable aux autres appareils « blancs » de la 21ème Escadrille avec la cocarde de la Défense peinte sur la dérive sur fond bleu foncé. Toutefois, à la différence des Embraer et Falcon, une crête aux couleurs nationales est peinte au sommet du fuselage.

Le CS-TMT photographié à l’aéroport de Bruxelles en novembre 2009 n’a pas encore reçu ses couleurs définitives. (Photo Kevin Cleynhens)

Lors des premiers mois de sa mise en service, l’A330 est sujet à quelques incidents techniques comme une fuite de carburant ou un problème de rétraction du train d’atterrissage qui causent délais et retards dans l’exécution des missions. Un moment donné, c’est une compagnie d’assistance aéroportuaire qui enlise le « Belgian Air Force One » le long d’une piste à Melsbroek. Évidemment, les médias populaires se délectent de ces avatars. Pour couronner le tout, il arrive même qu’un Airbus A310 de remplacement fourni par HiFly connaisse lui aussi des avaries !

Néanmoins, au fil du temps, le personnel se rode avec le nouvel appareil et de bonnes relations s’établissent avec les équipes d’HiFly. Finalement, la fiabilité de l’avion s’améliore et, quatre ans plus, tard, on peut dire que le bilan est positif. Le ministre de la Défense déclarera d’ailleurs sans équivoque en commission de la défense de la Chambre le 16 avril 2013 que l’Airbus A330 a « exceptionnellement bien fonctionné durant la courte période pendant laquelle il a pu être engagé ».

Un avion qui était destiné à la Belgique
L’Airbus A330-322 exploité par la Défense belge porte le numéro de série 096. Il effectue son premier vol à Toulouse le 12 avril 1995 pour être ensuite livré à la société de location ILFC (International Lease Finance Corporation). Le 11 janvier 1996, il est mis en service par Malaysian Airlines avec l’immatriculation 9M-MKZ. Par la suite, ILFC loue cet appareil à la SABENA pour ce qui sera sa première présence en Belgique. La compagnie nationale belge le met en service le 14 avril 1999 avec l’immatriculation OO-SFX jusqu’à cette triste date du 7 novembre 2001, moment de la mise en faillite de la compagnie. À partir du 4 décembre 2002, il est loué par ILFC avec l’immatriculation CS-TMT à la compagnie Air Luxor. Durant quelques mois, au début de l’année 2004, l’Airbus est sous-loué à Garuda Indonesia. En 2005, il est vendu à une nouvelle compagnie portugaise, HiFly, qui se spécialise dans la location d’avions gros-porteurs Airbus à courts et moyens termes aux compagnies qui ont des besoins sporadiques pour de type d’appareils. À partir du 11 octobre 2005, toujours immatriculé CS-TMT, il est le premier appareil à entrer dans la flotte d’HiFly et, à compter du 19 novembre 2009, débute le contrat avec la Défense belge pour sa seconde vie en Belgique.

L’Airbus A330 de la Défense avait volé pour la Sabena en tant que OO-SFX d’avril 1999 à novembre 2001. (Photo Guy Viselé)

Les missions
Bien entendu, la principale mission de l’Airbus A330 est le transport de personnel et de marchandises. Sa vaste cabine peut accueillir 42 passagers assis dans des fauteuils de classe business équipés d’un système de divertissement individuel situés à l’avant de l’appareil ainsi que 221 passagers en classe économique. Pour le reste, l’aménagement de la cabine est en tout point semblable à n’importe quel autre avion de transport commercial. Il est, toutefois, possible d’installer trois civières si nécessaire.

En soute, l’avion peut embarquer six palettes au standard de 96 pouces ou 18 conteneurs LD3 dans la zone cargo située à l’avant de l’avion tandis que 14 conteneurs LD3 ou deux palettes de 88 pouces et trois palettes de 96 pouces de même qu’un peu de fret en vrac peuvent prendre place dans la zone cargo à l’arrière de l’appareil. C’est ainsi un total de 44 tonnes de cargo qui peut être embarqué à bord de l’Airbus.

L’équipage est constitué d’un commandant de bord, d’un copilote et du personnel de cabine comprenant un chef de cabine, cinq agents de bord et un loadmaster. Tous les membres d’équipage, bien qu’ils soient militaires, doivent également répondre aux exigences et à la réglementation civiles car l’aéronef est exploité selon les règles EU-OPS. Par ailleurs, au cours de leurs missions, ils doivent aussi respecter tous les aspects du manuel d’opération de la compagnie HiFly.

Au cours de ses vols au profit de la Défense belge, l’Airbus A330 CS-TMT effectue de nombreuses missions fort variées et vers des destinations parfois très exotiques. C’est ainsi qu’il peut transporter des membres de la Famille Royale ou du gouvernement lors de voyages diplomatiques, accompagnés, par exemple par des journalistes ou du personnel. Bien entendu, il est régulièrement sollicité pour effectuer les rotations de troupes dans le cadre de l’ISAF en Afghanistan et on l’a vu également acheminer hommes et matériels lors de catastrophes naturelles, tel le tremblement de terre en Haïti en janvier 2010.

Quand l’Airbus n’est pas utilisé par la Défense, il peut être loué à d’autres compagnies aériennes par HiFly. C’est pour cette raison, que les grands titres « Belgian Air Force », qui étaient appliqués à l’origine sur les flancs de l’appareil, ont disparu afin de lui donner une allure plus « anonyme ».

L’Airbus A330 de la Force Aérienne Belge est présenté en vol accompagné de deux F-16 lors du meeting de Koksijde en 2011. Les marques « Belgian Air Force » ont disparu. (Photo Guy Viselé)

Le futur
Le 16 avril 2013, le ministre de la Défense nationale, Pieter De Crem, annonce que le contrat de location de l’Airbus A330, qui arrive à échéance à la fin de l’année, ne sera pas renouvelé, mais qu’un nouvel appareil monocouloir, donc plus petit, le remplacera. Cet appareil sera loué par le biais d’une procédure négociée avec publication d’un appel d’offres au niveau européen.

Cette décision est motivée par le fait que l’Airbus A330 est surdimensionné pour les besoins de la Défense belge. D’autre part, alors que le contrat de location spécifiait que 2.000 heures de vol annuelles pouvaient être accomplies, l’avion n’a volé que 1.165 heures en 2010, 1.114 heures en 2011 et 1.138 heures en 2012. Par ailleurs, dans le cadre du parc d’avions de l’EATC (European Air Transport Command) dont l’A330 fait partie, il y a, semblerait-il, une surabondance d’avions gros-porteurs alors qu’il y aurait un manque pour des aéronefs de plus petit calibre, tels des appareils des familles Airbus A320, Boeing 737 ou Boeing 757. Il est donc tout indiqué pour la Belgique de profiter de l’opportunité de louer un avion plus petit, donc moins coûteux, et de, malgré tout, être en mesure de répondre à ses engagements européens au sein de l’EATC ainsi que du système d’échange ATARES (Air Transport, Air-to-air Refuelling and other Exchange Services).

Le Conseil des ministres du 19 avril 2013 autorise le ministre de la Défense Pieter De Crem à lancer des procédures de marchés publics. Une invitation à demande de participation est émise le 23 avril 2013 et est libellée comme suit: « Mise à disposition de la Défense belge d’une capacité de l’ordre de 1.500 heures de vol par an, par le biais d’un avion dédié de type narrow-body, sans équipage, pour le transport de troupes, de (V)VIP, l’évacuation urgente de civils et le transport de fret (au moyen de palettes et containers). Les distances suivantes doivent pouvoir être parcourues dans un même Flight Duty Period: Bruxelles-Kinshasa (3.400 NM), Bruxelles-Dushanbe (3.300 NM) ou Bruxelles-Washington (3.400 NM) avec arrêt technique éventuel respectivement à Cotounou/Niamey, Tbilisi ou Gander. Le contrat doit également permettre la mise à disposition d’un appareil supplémentaire (narrow-body ou wide-body, en fonction de la mission) ». Les propositions des cinq candidats les mieux classés, qui doivent être reçues avant le 24 mai 2013, seront évaluées et ceux-ci pourront, après vérification de leur conformité aux critères de sélection, recevoir le cahier spécial des charges et se voir invités à remettre une offre ainsi qu’à participer aux négociations. La durée prévue du contrat est de 48 mois.

Plusieurs entreprises ont répondu en soumettant valablement une proposition de service suite à la diffusion du cahier spécial des charges. Les offres sont actuellement analysées par les spécialistes du ministère de la Défense et l’annonce de l’octroi du contrat devrait être faite avant la fin de l’année 2013. À ce moment, l’Airbus A330 CS-TMT quittera définitivement Melsbroek.

Les prédécesseurs
Si l’on remonte le temps et l’histoire du 15ème Wing à la recherche des prédécesseurs de l’Airbus A330, on arrive en septembre 1950, moment où un premier DC-4 (KX-1) est acquis auprès de la SABENA afin d’assurer les liaisons avec le Congo. Un second (KX-2), en provenance de la SAS, est livré en juin 1954. Ces deux appareils sont retirés du service en 1971. À partir de mai 1958, quatre Douglas DC-6 (KY-1 à KY-4) viennent renforcer la flotte de la 21ème Escadrille. Deux proviennent directement de Douglas tandis que les deux suivants sont transférés de la SABENA en octobre 1960. Ils sont retirés du service tous les quatre pour être entreposés en vue de leur revente à Coxyde à la fin de 1976. Le retrait des DC-6 coïncide avec l’arrivée de deux Boeing 727-29C (CB-01 et CB-02) également en provenance de la SABENA. Ces deux avions qui permettent le transport mixte de passagers et de fret se révèleront être parfaitement adaptés aux missions à longue distance dévolues au 15ème Wing. C’est avec beaucoup de regrets qu’ils sont remplacés en 1997 et 1998 par deux Airbus A310-222 (CA-01 et CA-02) de Singapore Airlines et ce, d’autant plus, que leur fiabilité est loin d’égaler celle de leurs prédécesseurs. Ils seront entreposés à Melsbroek en 2009 et 2010 avant d’être revendus à une entreprise civile. Actuellement, ces deux appareils attendent encore leur sort sur le tarmac de Lufthansa Technics à l’aéroport de Bruxelles National.

Les deux Airbus A310-300 (CA-01 et CA-02) sont remplacés par un seul avion. (Photo Guy Viselé)

Qui est Hi-Fly
La compagnie Hifly a été fondée au Portugal en 2005 avec comme objectif de proposer des services de location d’avions gros-porteurs Airbus au niveau mondial. Elle a obtenu son certificat d’exploitation aérienne en avril 2006 de l’INAC, l’autorité nationale de l’aviation portugaise et répond à toutes les exigences EU-OPS de même que celles de l’EASA. Devant satisfaire une grande variété de clients dans toutes les régions du monde, HiFly est également certifiée ETOPS 180, RNP5 et pour le transport de matières dangereuses. Elle opère régulièrement dans toute l’Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes, au Moyen-Orient, en Afrique et en Australie. HiFly dispose actuellement d’une flotte de onze Airbus comprenant deux A310-300, quatre A330-200, un A330-300, trois A340-300 et un A340-600, ce dernier étant immatriculé auprès de la filiale HiFly Malta. Pour plus d’informations: www.hifly.aero.

De nombreux avions de HiFly ont opéré occasionnelement des missions pour la Force Aérienne en fonction de la disponibilité du CS-TMT et des besoins militaires. Ici, un A310-304 dans les couleurs de son utilisateur précédent (Oman Air) et utilisé par la Force Aérienne en mars 2010. (Photo Guy Viselé)

L’European Air Transport Command
Établi à Eindhoven au Pays-Bas le 1er septembre 2010 dans le cadre de la politique de défense et de sécurité européenne, l’EATC a pour vocation de mettre en commun de façon efficace les moyens de transport militaires allemands, belges, français et néerlandais. Depuis le 22 novembre 2012, le Luxembourg s’est également joint à cette organisation assez unique en Europe bien que ce pays ne dispose actuellement d’aucun avion militaire en nom propre. Toutefois, un Airbus A400M a été commandé par ce pays et sera intégré avec les sept appareils de ce type qui seront mis en œuvre par le 15ème Wing de la Défense belge basé à Melsbroek. C’est donc un parc comprenant environ 150 avions qui est mis à la disposition des cinq états. Les capacités vont des avions de transport tactique C-130 Hercules, C-160 Transall, CN-235 et bientôt A400M, aux avions de transport et/ou de ravitaillement en vol Airbus A310 et McDonnell Douglas DC-10 en passant par des appareils VIP ou de transport de passagers comme les Airbus A310, A330 et A340 ainsi que des Gulfstream IV. Pour ce qui est de la Belgique, ce sont les C-130H Hercules ainsi que l’Airbus A330 qui sont intégrés à l’EATC. Quant à la structure opérationnelle, elle est répartie entre tous les pays membres avec, toutefois, un observateur espagnol. Pour plus d’informations: http://eatc-mil.com.

Un autre A330 de HiFly,version -243, le CS-TFZ, a été utilisé pour une courte période aux marques de la Force Aérienne Belge début 2010. (Photo Kevin Cleynhens)

Texte: Pierre Gillard
Photos: Guy Viselé & Kevin Cleynhens

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